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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 09:53

Bibliographie de Paul Henri Corentin Féval (1816-1887)

 

1839 :

Un duel sur l'eau. (nouvelle)

L’esclave de César. (nouvelle)

Genséric. (tragédie)

 

1841 :

les Razoumolski.

le marin et la novice. [s.l.], annotée La France Maritime, dir. par Amédée Gréhan, t. 4., Paris, 1841. p.254.

Deux Don Juan.

Le Club des phoques.

Le bourgeois de Vitré.

Le fouet.

 

1842 :

Le Lion d'or.

La Gemma.

Anne des îles : pilleurs d'épaves entre Sein et Audierne. - [Limoges ?] : [Marc Barbou ?]. - 128 p., ill,. coul.,  couv. ill en coul., [23 cm. ?]. (conte)

 

1842-1843 :

Le médecin bleu. (conte)

Le joli château. - [126 p. ?], [21 cm ?]. (conte)

 

1843 :

Le banquier de cire.

La tapisserie.

Le capitaine Spartacus ou le ravin de La Gacilly. – Paris : Ed. L. de Potter. - 2 vol., 21,5 cm. (roman d'aventures)

Contes bretons [le Val‑aux‑fées]. - Saint‑Amand : L'Écho du Cher. - [12 p. ?], 24 x 34 cm.

Jouvente de la Tour. (conte)

La joûte bretonne.

La forêt de Rennes ou le Loup blanc. – Paris : chez Chlendowski. - 3 vol., 21 cm. (roman d'aventures)

La femme blanche des marais. - [s.l.] : [s.n.]. - 125 p., 17 cm., [ill. ?]. (conte)

Favas et Bois-Rosé.

Le docteur Bousseau.

Les chevaliers du firmament. (roman d'aventures)

Le chevalier Tourterelle.

 

1843-1844 :

Les mystères de Londres ou les gentilshommes de la nuit. 01. Les gentilshommes de la nuit ; 02. la fille du pendu. - 190 p., ill., 19 cm. ; 03. la grande famille. - 276 p., ill., 19 cm. ; 04. le Marquis de Rio Santo. - 287 p., ill., 19 cm., aux compt. des imp. (roman d'aventures)

 

1844 :

Contes de Bretagne. [Le joli château][Anne des îles][La femme blanche des marais] - [Paris ?] : [H. Boisgard ?]. - [ill. ?], 214 p., 27 cm.

 

1844-1845 :

les aventures d'un émigré. (roman d'aventures)

 

1845 :

les amours de Paris. [en deux volumes et en six parties] – Bruxelles : Hauman. - 15 cm. (roman d'aventures)

Quandoquidan.

les fanfarons du roi. – Paris : Chlendowski. - 8°, 4 vols.

fontaine aux perles. [en deux volumes] - [Paris ?] ; Bruxelles : Méline, Cans et c.. - 215 p. et 219 p., 17 cm.

Contes de nos pères. [illustré par Bertall] – Paris : chez Chlendowski [Aubert]. - In‑12, [1]-287-[1]p., ill., 22 cm., cartonnage d'éd.

 

1846 :

la quittance de minuit [la fille des rois… ]. – Paris : H. Boisgard. - 80 p., ill., couv. ill., 32 cm. (roman d'aventures)

la mort de lord Byron. (œuvre dramatique)

 

1846-1847 :

le fils du Diable. - Bruxelles : Méline Cans. In-4°, [17 cm. ?]. (roman noir d'aventures)

 

1847 :

les bandits. - Paris : Permain - 8°, 2 vols.

le mendiant noir ou la créole. - Bruxelles : Méline, Cans et c.. - 247 p., 17 cm.

 

1848 :

l'Avenir national… 4 juillet[-4 septembre]. - Paris. [Journal fondé par Paul Féval]

24 février. (œuvre dramatique)

le château de Croïat. - Paris : [E. Dentu ?]. - 12°, [384 p. ?], [front. ?]. (roman d'aventures)

Alizia Pauli. - Bruxelles : A. Lebègue. - 14 cm. (roman de mœurs)

les ouvriers de Londres.

Aimée. - [Paris ?] : [Ed. E. Dentu ?] [295 p. ?] [18,5 cm. ?]

 

1848-1849 :

le jeu de la mort ou la tirelire.

 

1849 :

la pécheresse. - [Paris ?] : [E. Dentu ?]. - 391 p., 18,5 cm. (roman de mœurs)

un drôle de corps. - Bruxelles : A. Lebègue. - 14 cm.

les puritains d'Écosse.

Mademoiselle de Presmes.

 

1849-1850 :

les belles de nuit ou les anges de la famille. – Bruxelles : Méline Cans. - Impr. de G. Stapleaux,  5 t. en 3 vol., 16 cm.

 

1850 :

le bonhomme Jacques. (pièce de théâtre en 5 actes, représentée pour le première fois à Paris, sur le théâtre de l'Ambigu-Comique, le 20 août 1850)

la fée des Grèves. – Paris : [E. Dentu ?]. - [373 p. ?], [front. ?], [22,5 cm. ?]. (roman d'aventures)

le sourire de la Vierge.

Beau démon [Bel Démonio]. - [Bruxelles chez Rozez ?]. - [136 p. ?], [14 cm. ?]. (roman d'aventures)

 

1851 :

la forêt de Rennes. (roman breton)

les tribunaux secrets. – Paris : E. et V. Penaud frères. [4 t. en 2 vol.] (ouvrage historique)

 

1851-1852 :

les nuits de Paris. – Paris : Administrations des publications populaires. - 4 vol. (304 p.-front.-[7] f. de pl. ; 382 p.-front.-[7] f. de pl. ; 382 p.-[3] f. de pl. ; 398 p.-[5] f. de pl.), 26 cm., reliure ½ chagrin, dos à nerfs ornés. Éd. ornée de gravures sur acier, dess. MM. Joseph Cabasson ; Horace Castelli ; Valentin Foulquier. (drames et récits nocturnes)

 

1852 :

les parvenus. [En trois volumes] – Paris : V. Lecou. - 348-[1]p., 19 cm.

la forêt noire ou la reine des épées. – Paris : Librairie nouvelle. - 12°, 350 p.

le château de velours : I. le mal d'Enfer ; II. le comte Barbe-bleu. [En deux tomes] - [Paris ?] : [E. Dentu ?]. - 12°, [384 p. ?].

Miss Olivia. - Paris : H. Boisgard. - 48 p. : ill. (12 vignettes de Ed. Coppin) ; grand in-8.

 

1853 :

le volontaire. – Paris : H. Boisgard. - 14 cm.

le tueur de tigres. - Paris : Michel Lévy. - 315 p., 19 cm. [Coll. Michel Lévy ?].

la sœur des fantômes. – Paris : A. Cadet. - 8°, 3 vol.

le livre des mystères.

le capitaine Simon ; [-la fille de l'émigré]. - [Paris ?] : [Lévy ?]. - 12°.

[À la plus belle]. [?]

 

1853-1854 :

1853-1854 : œuvres de Paul Féval. – Paris : H. Boisgard.

 

1854 :

Madame Pistache. – Paris : L. de Potter.

Roch Farelli. - Paris. L. de Potter. - Ill. de Chevalet, Émile.

le paradis des femmes. - Paris : [E. Dentu ?]. - 12°, 2 t. en 1 vol., [gravures collées au front. ?].

Mémoires d'une pièce de cinq francs.

le champ de bataille. - Bruxelles : A. Lebèque. - 14 cm.

Blanchefleur. – Paris : Libr. nouvelle. - 12°, V-355 p., front.

le roi de la barrière. – Paris : L. de Potter.

la bourgeoisie et les cinq auberges. – Paris : Barbré.- 16 p., ill., 31 cm., coll. : Magasin théâtral, choix de pièces nouvelles. (dramatique en 5 actes)

 

[1854-1855 ?] :

Frère tranquille ; [II. la fête du roi Salomon]. – Paris : [s.n.] ; Bruxelles : [G. Lebrocquy]. - 411 p., 18 cm.

 

1855 : la duchesse de Nemours. - Paris. - 12°.

 

1855-1856 :

la louve. - [Paris ?] : [Librairie Ollendorff ?]. - 12°, [360 p. ?].

l'homme de fer. - [Paris ?] (roman de mœurs er d'aventures)

 

1856 :

les couteaux d'or. - Paris : [Librairie Ollendorff ?].

Madame Gil Blas : souvenir et aventures d'une femme de notre temps. - Paris. - [2 vol. ?], 18,5 cm.

[Le loup blanc]. [?] - [348 p. ?].

 

[1856-1857 ?] :

Mauvais-cœur, drame en cinq actes et sept tableaux, précédé de La femme du corsaire (prologue des Confessions générales de Frédéric Soulié) - Paris, Imp. Dupré, [s.d.]. - 12°, 121 p.

 

1857 :

les compagnons du silence. – Paris : [Michel Lévy Frères ?]. - [3 vol. ?], 19 cm. (roman d'aventures)

le Bossu ou le petit parisien [aventure de cape et d'épée]. – Paris : Hetzel éditeur. - [12° ?], [136 p. ?]. (roman d'aventures)

les errants de la nuit. (illustré) – Paris : [E. Dentu ?]. - 4°.

les dernières fées. – Paris : M. Lévy Frères. - 12°, 268 p., 3 gr.

 

1857-1858 :

la fabrique de mariages. - Paris : [Cadet ?]. - 8°, [8 vol. ?].

 

1859 :

le roi des gueux. [en deux volumes] – Paris : [Michel Lévy ?]. - 18°. (roman d'aventures)

 

1860 :

la tour du Diable.

la fille du juif errant ; [- le carnaval des enfants]. - [Paris ?] : [Libr. Ollendorff ?] ; [Bruxelles ?] [G. Lebrocquy ?]. - 12°, 375 p., 4 gr. h. t., 18 cm.

le chevalier Ténèbre. - [Paris ?] : [Libr. Ollendorff ?]. - 12°, 311 p., 7 gr. (roman fantastique)

le berceau de Paris. [Odolin le rameur. Le palais des Termes. Sigefroy le manchot] – Paris : A. Bourdilliat. - 18°, [1]-316-[1]p., 19 cm.

 

1861 :

la littérature au Sénat, lettre d'un romancier à M. Le bon de Chapuys-Morlaville. - Paris : E. Dentu. - In-8°, 16 p.

Rollan Pied-de-fer. - Paris : Michel Lévy. - 12°, [284 p. ?].

le drame de la jeunesse.

 

1861-1862 :

le capitaine fantôme ou les filles du Cabanil. – Paris : Ed. E. Dentu, E. Jung-Treuttel. -18,5 cm. (roman d'aventures)

Bouche de fer. – Paris : E. Dentu. - 12°, 444 p., front.

 

1862 :

le roman de minuit, épisode de la vie de M. Martin. – Paris : Ed. E. Dentu. - 12°, 243 p., front., fig.

Quatre femmes et un homme. – Paris : Ed. M. Lévy. - 277 p., 18 cm.

Père camarade ; [ l'Hôtel Carnavalet]. - [Paris ?] : [Ed. E. Dentu ?]. - [391 p. ?], [18,5 cm ?].

Valentine de Rohan. [suite de La louve] – Paris : A. Cadot, [1862 ?]. 2 t. en 1 vol. 12° [deux couvertures en couleurs : la première porte Lib. Ollendorff ; la seconde a pour titre : Valentine de Rohan]

Jean Diable. – Paris : E. Dentu, Lib. Centrale. - 12°, 2 vol., 2 gr. (roman policier)

Romans enfantins. - Paris : E. Ducrocq. - 324 p., front., ill., 4 lith de Léon Flameng. photogr. de l'A. avec une de ses filles, par Franck, en frontiscipe. Cartonnage d'éditeur.

la garde noire. [Le chevalier Ténèbre] : I. Le régiment des Géants ; II. Le chevalier Ténèbre – Paris : E. Dentu, 1862. - 12°, 311 p., 7 gr.

 

1862-1864 :

le Vicomte Paul ou le juif errant. – Paris : [s.n.]. - [312 p. ?], [19 cm ?].

la reine Margaret et le mousquetaire.

 

1863 :

le poisson d'or. – Paris : Libr. Hachette. - 251 p., 19,3 cm.

Annette Laïs. – Paris : Libr. de L. Hachette et Cie.. - 12°, 486 p., front.

 

1863-1875 :

les Habits noirs ou la mafia au XIXème siècle. – Paris : L. Hachette, impr. de Ch. Lahure. - 2 vol. : 422-[1]p.,  436 p., 18 cm.

 

1864 :

histoire d'un notaire et d'une tonne de poudre d'or.

le bonhomme Chopine.

 

1865 :

les gens de la noce. – Paris : Libr. Hachette. - 360 p., 18,5 cm.

Roger Bontemps. - Paris : Librairie Hachette. - 456 p., 19 cm.

Jean qui rit. (pièce de théâtre)

les plumes d'or, romans et nouvelles… - Paris. - In-8°

le mousquetaire du roi. (œuvre pour le théâtre)

Cœur d'acier. [deuxième tableau des Habits noirs] – Paris : Lib. Hachette. - 18,5 cm., [2 vol. ?]. (roman d'aventures policières)

 

1865-1866 :

la cavalière [1. Le rival de Cartouche]. – Paris : Ed. E. Dentu. - 18,5 cm. (roman d'aventures)

 

1866 :

le tribunal d'honneur.

le mari embaumé : souvenir d'un page de M. de Vendôme. – Paris : Librairie L. Hachette et Cie. - 2 vol., 19 cm.

la fabrique de crime ; [le Lunatic-club (pp. 137-251)]. – Paris : E. Dentu [s.d.]. – 252 p., 12°.

la cosaque. Le roman de minuit. – Paris : Ed. E. Dentu. - 411 p., 18,5 cm.

les drames de la mort. – Paris : Libr. Centrale. - 388 p., 18,5 cm. (roman fantastique)

 

1867 :

la chouanne (texte écrit pour une interprétation sur le théâtre)

l'avaleur de sabres : II. Mademoiselle Saphir. [5e tableau des Habits noirs] – Paris : E. Dentu. - 12°, 359 p., front. (roman d'avantures policières)

les revenants. – Paris : E. Dentu. - 12°, 386 p., 1 gr., front.

 

1867-1868 :

la rue de Jérusalem. [3e tableau des Habits noirs] – Paris : Ed. E. Dentu. - 18,5 cm. (roman d'aventures policières)

 

1868 :

Rapport sur les progrès des Lettres en France. – Paris : Impr. Impériale. - 8°, 184p.

le jeu de la mort. - Paris : Ed. E. Dentu. - 18,5 cm.

la tontine infernale. – Paris : E. Dentu. - 12°, 396 p.

la province de Paris : Amourette et Marie. – Paris : E. Dentu. - 347 p., 19 cm.

 

1868-1869 :

le cavalier Fortune. – Paris : E. Dentu, 1870, 12°, 2 t. reliés en 1 vol., couv. ill. en couleurs. I. Chizac-le-riche ; II. le Duc de Richelieu. (roman d'aventures en feuilleton)

 

1869 :

Contes bretons.

l'arme invisible ou le secret des Habits noirs. [4e tableau des Habits noirs] – Paris : Ed. E. Dentu. - 372 p., 18,5 cm. (roman d'aventures policières)

le 90 ème département.

[ La fille des rois]. [?]

le quai de la ferraille [1. Mariotte la Basquaise]. – Paris : Ed. E. Dentu. - 340p., 19 cm.

 

1869-1870 :

Maman Léo. [5e tableau des Habits noirs] – Paris : Ed. E. Dentu. - 400 p., 19cm. (roman d'aventures policières)

la chanson du rouge-gorge.

 

1870-1872 :

les compagnons du trésor. [6e tableau des Habits noirs] (roman d'aventures policières)

 

1871-1872 :

le dernier des vivants.

 

1872 :

l'homme du gaz [ : Les éclaireurs secrets]. – Paris : E. Dentu. - 12°, 404 p., 1 gr., 18,5 cm.

 

1873 :

le chevalier de Keramour : [- II. La bague de chanvre]. - [Paris ?] / [E. Dentu ?]. - 181 p., couv. ill. en coul., 21 cm. (roman d'aventures)

le théâtre-femme. (causerie à propos de l'École des femmes, au théâtre de la Gaîté, le 26 janvier 1873) – Paris : E. Dentu. - 16°, 38 p.

 

1874 :

le Théâtre moral. (causerie à la séance d'ouverture de la Société pour l'amélioration du théâtre, le 28 avril 1874) – Paris : E. Dentu.

Gavotte. - [Paris ?] : [E. Dentu ?]. - 12°, front.

la maison de Pilate. – Paris : Michel Lévy. - 18°, 2 vol.

 

1874-1875 :

la bande-Cadet [2. Clément le Manchot]. [4e tableau des Habits noirs] – Paris : Dentu. - 12° (roman d'aventures policières)

l'aventurier [suivi de : Les filles de Penhoël]. - Paris : [Albin Michel]. - 16°.

 

Conversion de Paul Henri Corentin Féval

 

1875 :

les cinq [I. Laura-Maria ; II. Princesse-Charlotte]. – Paris : E. Dentu. - 12°, 2 t. reliés en 1 vol., front., gr. (roman d'aventures)

Cocagne. (pièce de théâtre)

la ville-vampire. – Paris : E. Dentu. - 370 p., 17 cm. (roman fantastique)

le château de la Moïse.

 

1876 :

la première aventure de Corentin Quimper. – Paris : E. Dentu.

Rosy Kate [Gavotte. Le capitaine Spartacus. Le docteur Bousseau]. – Paris : E. Dentu. - 12°, 343 p., front.

 

1876-1877 :

la belle étoile (la première légende du Bienheureux Saint-Yves). – Paris : Lyons Libr. J. Lecoffre. ‑ 12°, 324 p.

 

Conviction de Paul Henri Corentin Féval de réécrire ses œuvres

 

1877 :

Bellerose. (dramatique en cinq actes et huit tableaux) - [Paris ?] : Calmann Lévy. - 23 p., ill., 30 cm.

la tour du loup ; [Rol[l]an Pied-de-Fer].

Jésuites ! – Paris : Victor Palmé. - 18°

le dernier chevalier. – Paris : V. Palmé ; Bruxelles : J. Albanel. - 12°, [339 p. ?].

Châteaupauvre : voyage de découvertes dans les Côtes-du-Nord (sic), voyage au dernier pays breton. ‑ Paris : V. Palmé.

l'avocat Géraud.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Châteaupauvre, voyage au dernier pays breton. 1er édition. - Paris, V. Palmé : 1877.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Contes de Bretagne. - Paris, V. Palmé : 1877.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Jésuites ! - Paris, V. Palmé : 1877.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Le Château de velours. - Paris, V. Palmé : 1877.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Le Dernier chevalier. - Paris, V. Palmé : 1877.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. L'Homme de fer. - Paris, V. Palmé : 1877.

 

1877-1881 :

les étapes d'une conversion : 1. La mort du père. – Paris : Ch. Noblet ; Bruxelles : E. Lebrocquy. ‑ 270-[1]-[10]p., 19 cm.

Œuvres de Paul Féval… Les Étapes d'une conversion. – Paris, Victor Palmé : 1877-1881.

 

1878 :

Pierre Blot : second récit de Jean. [inclus : Le denier du Sacré-Cœur] [tome deux des Étapes d'une conversion] – Paris : Lahure. - 16°, LXXXXIII [93], 239-[2]p., 19 cm.

Notre-Dame de Sion. – Paris : V. Palmé.

Pierre Olivaint, petite esquisse d'un grand portrait. – Paris : V. Palmé.

Treize à table. (poème)

Douze femmes.

les veillées de la famille. – Paris : Société Générale de librairie catholique V. Palmé ; Saint-Amand [Cher] : Destemay ; Bruxelles : J. Albanel. - IV, 388-[1]p., 19 cm.

[L'enfant de la punition]. [?]

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. La Fille du Juif-errant. [Le Carnaval des enfants] - Paris, V. Palmé : 1878.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. La Louve. - Paris, V. Palmé : 1878.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Le mendiant noir. - Paris, V. Palmé : 1878.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Le Poisson d'or. - Paris, V. Palmé : 1878.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Les Romans enfantins. - Paris, V. Palmé : 1878.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Veillées de famille. - Paris, V. Palmé : 1878.

 

1879 :

l'outrage du Sacré-Cœur. – Paris : V. Palmé. - 33 p., 15 cm. Collection à 10 centimes.

Vieux mensonges.

les merveilles du Mont-saint-Michel.

le pélerinage de Tours, visite au sanctuaire de Saint-Martin. – Paris : V. Palmé.

Corbeille d'histoires. [La mer à boire. L'Oisange. Patron-Marguerite. Côte-de-cuir] – Paris : V. Palmé ; Bruxelles : J. Albanel ; Genève : Grosset et Tremblay. - 12°, 354 p., notes : œuvres nouvelles de Paul Féval.

Chouans et bleus. – Paris : Lib. Ollendorff ; Limoges : Marc Barbou. - (372 p., 4 textes).  

Un mystère de Paris. [Limoges : M. Barbou, 129p.-front. ill. ; couv. ill. en couleurs. 23 cm [?]] (conte)

Montmartre et le Sacré-Cœur. – Paris : V. Palmé.

la première communion : troisième récit de Jean. [tome trois des Étapes d'une conversion] – Bruxelles : J. Albanel (Paris : E. de Soye et Fils). - 446-[1]p., 19 cm.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Chouans et bleus. - Paris, V. Palmé : 1879.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. La Première aventure de Corentin Quimper. - Paris, V. Palmé : 1879.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Le chevalier Ténèbre [Le Médecin bleu]. - Paris, V. Palmé : 1879.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Le Régiment des géants [Force et faiblesse]. - Paris, V. Palmé : 1879.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Les Couteaux d'or. - Paris, V. Palmé : 1879.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Les Fanfarons du roi. - Paris, V. Palmé : 1879.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Les Merveilles du Mont-Saint-Michel. - Paris, V. Palmé : 1879.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Valentine de Rohan. 4e édition. - Paris, V. Palmé : 1879.

 

Édition complète des œuvres [choisies] de Paul Henri Corentin Féval

 

1880 :

le coup de grâce : dernière étape. [tome quatre des Étapes d'une conversion] – Bruxelles : J. Albanel ; Genève : H. Tremblay (Paris : E. de Soye et Fils) - 502-[1]p., 19 cm.

Pas de divorce ! : réponse à M. Alexandre Dumas. – Paris : Société Générale de librairie catholique V. Palmé ; Bruxelles : J. Albanel ; Genève : Grosset et Tremblay (Paris : V. Goupy et Jourdan). - 364-[1]p., 19 cm.

le Prince Coriolani. – Paris : V. Palmé ; Bruxelles : J. Albanel. - 12°, 408 p., [Librairie Ollendorff].

le glaive des désarmés, notre union de prières. – Paris : V. Palmé.

la France s'éveille. – Paris : V. Palmé. - 35 p. Collection de brochures à 10 centimes.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Fontaine-aux-perles. - Paris, V. Palmé : 1880.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. La Reine des épées. - Paris, V. Palmé : 1880.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Le Prince Coriolani. - Paris, V. Palmé : 1880.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Les Compagnons du silence. - Paris, V. Palmé : 1880.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Les Errants de la nuit. - Paris, V. Palmé : 1880.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Les Parvenus. - Paris, V. Palmé : 1880.

 

1881 :

cri d'appel. – Paris : V. Palmé. - 35 p., 15 cm. Collection à 10 centimes.

la chasse au roi [II. La cavalière]. – Paris (France) : V. Palmé ; Bruxelles : J. Albanel, 1881. - 12°, 423 p. (La couverture en couleurs porte : Albin Michel, éditeur).

une histoire de revenants [p. 205, L'homme sans bras]. – Paris : V. Palmé ; Bruxelles : J. Albanel. - 12°, 403 p., front., couverture en couleurs. [1879]

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. La Cavalière. - Paris, V. Palmé : 1881.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. La Chasse au roi. - Paris, V. Palmé : 1881.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. La Fée des Grèves. - Paris, V. Palmé : 1881.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Une histoire de revenants. - Paris, V. Palmé : 1881.

 

1883 :

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. La Quittance de minuit. - Paris, V. Palmé : 1883.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Le Capitaine Simon. La Fille de l'émigré. - Paris, V. Palmé : 1883.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Rollan Pied-de-fer [Treize à table. La Tour du loup]. - Paris, V. Palmé : 1883.

 

1886 :

l'oncle Louis [I. L'aventurier [?] ; II. Les belles de nuit]. – Paris : [s.n.] ; Bruxelles : [s.n.] ; Genève : V. Palmé. - 12°.

Œuvres de Paul Féval soigneusement revues et corrigées. Le Chevalier de Keramour (La Bague de chanvre). - Paris, V. Palmé : 1886.

 

Œuvres choisies sans datation

 

La chambre des amours. - [s.l.] : [s.d.]. - 188 p., 20 cm.

 

Diane et Cyprienne. – Paris : [Albin Michel ?]. - 188 p., 20 cm.

 

Le maçon de Notre-Dame. – Paris : [Albin Michel ?]. - 12°.

 

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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 09:50

Avant-propos.

FlatlandEn seconde lecture, Flatland s’annonce comme la romance d’un corps qui se découvre de l’esprit. Le roman d’Edwin Abbott Abbott trace à grands traits la découverte logique qu’un organisme fait à propos de sa capacité naturelle à émettre une pensée le concernant. Aux habitants d’un tel espace est permise la prise de conscience de leur identité unique et inaliénable au sein de leur environnement respectif qu’ils fussent issus des races de l’humanité liquide, solide ou extra solide.

La publication en 1884 de Flatland : A Romance of Many Dimensions préfigurait déjà l’esprit mathématique et analogique des civilisations à venir. Ces civilisations mondiales allaient comprendre les bienfaits de la pensée qui crée l’imaginable qui use de l’irréel né d’un outil d’informations complexes afin que l’impossible devienne tangible. Le 19è siècle engendra les ères scientifiques et informatiques pluridisciplinaires.

 

 

 

Préface.

Ce petit chef d’œuvre très discret parcourut deux siècles. Il assista à la déflagration de la découverte de la genèse de notre univers et qui fit l’effet d’un Big Bang. Il assista impuissant à la concession du savoir faire divin concédé à sa créature la plus turbulente de l’espèce animale dans le génome humain. L’œuvre d’Edwin Abbott Abbott voulait mettre l’Homme face au grand ouvrage premier et déjà avant-gardiste pour 1884, dédiée ouvertement aux vivants de cette partie de la région céleste. Il est remarquable que le docteur de l’université de Cambridge fût un professeur émérite d’algèbre supérieur et de géométrie algébrique et un théologien anglais réputé. La romance d’un Univers à plusieurs dimensions voulait élever le niveau de perception intellectuelle et sensible de tout un chacun afin que chacun s’approprie la part noble qui sommeille en lui, la déploie, d’abord par l’idée créatrice et formatrice de formes nouvelles mouvantes puis, la partage dans le but clairement énoncé de permettre aux races terrestres de s’assurer la supériorité du plan divin.

Apparemment dans la sphère de la vie densifiée les solides ont à comprendre le mécanisme qui se détendra pour les conduire vers une sphère de vie de densité différente, à sentir, à tenir et à cohabiter avec les habitants du lieu – l’humanité encore inconnue.

 

Point land (le pays Point)

Mais tout ne commencerait-il pas d’abord par le pays du Point, Point land.

L’auteur nous informe qu’en dépit des mots utilisés pour marquer les notions de dimensions, la mention de dimension spatiale à une donnée, l’épaisseur va de soi, sinon le point ou la ligne serait invisible. Dans la romance des univers multiformes, le déterminisme ‘dimension’ est évoqué comme dimension d’être pensant. Le vivant a ou n’a pas de mobilité d’esprit ou de corps organique.

Laissons-nous maintenant conduire par l’imaginaire au-dessus du niveau le plus bas de l’existence qu’une créature vivante puisse occuper à titre d’individu. Vivons en même temps l’émergence émouvante de la prise de conscience d’être. C’est ce que sous-tend en permanence l’ode poétique à la vie dynamique sous ses formes multiples les plus complexes – Flatland. Le principe premier de la vie pourrait être d’émettre en continu des radiations. Ces émissions radios auraient pour objectif de se signaler, dans un environnement qui supposerait une cohabitation espérée, d’où ces appels incessants vers l’extérieur, dans toutes les directions. La lumière est la plus appropriée des signaux de signalisation de sa position. C’est le relais le plus fiable en longueur de temps et en capacité de course vers le lointain. La lumière est un éclat brillant qui permet, en le remontant, de situer exactement un point émetteur. Souvent, cette émission photonique est accompagnée d’une résonance acoustique. C’est peut-être un soutien à la solitude d’un si long voyage au travers un si grand ensemble dénué.

 

Peut-il y avoir une dimension dans un point qui gît là au pays du Point ? Il faut adhérer au fait qu’un terme comme celui de « pays » est purement littéraire. Il ne peut servir qu’à aider le lecteur à rapprocher le contexte du Point-land de son contexte Space-land ? Il n’y a pas d’autres dimensions du tout, puisque le pays du point est, à lui seul, une aire géographique et sur la toile des incarnations le point inévitable où se manifeste la vie – même si statique. D’ailleurs, cette existence reflète sa position d’état par ses « réflexions ». La prise de conscience d’être ici et d’être quelque chose de précis, atteste d’une dimension, sinon géostationnaire, mentale. Finalement, le point est un être comme le lecteur, même si ce point d’émergence en est à ses balbutiements de raisonnement et de conception de son environnement. Ne faudrait-il pas plutôt parler d’octroi de conscience ? Car la conscience a quelque chose de supérieur. Le point est lui-même ‘environnement’ à tout bien considérer.

Sans doute le grand Architecte s’est-il pris pour modèle pour son premier essai. À ce niveau de considération de soi, le vocabulaire est à fortiori restreint, parce que centré sur son propre objet de réflexion - soi. Un partage est nécessaire pour accueillir, même avec difficulté, un peu de vision d’un autre point de vue, c’est-à-dire, d’après d’autres considérations de soi. Pour le sieur point, le soi est « ça », s’il fallait agacer avec des concepts élevés philosophiques ou théosophiques à tendance psychologique. Le point ne peut se considérer par un dehors car il n’y en a pas à son service. Ce qui lui interdit le positionnement mental qui lui servirait de base nouvelle de compréhension. Ce qui excuse d’autant, chez le lecteur averti, le sentiment étatique fort qui nourrit à l’excès, ce que chez nous - de Space land - nous dénommons l’ego.

Pour autant, c’est le point de départ d’un long apprentissage des perceptions sensibles, émotionnelles et intellectuelles. Tous et toutes, nous partons d’un point pour aller vers un autre, n’est-ce pas ?

 

Dans le roman d’Edwin A. Abbott, l’auteur souligne que la pensée du point est presque un indice qui pourrait amorcer une dissociation entre position physique statique et positionnements psychologiques dynamiques. Le point ignore encore, à ce stade de sa création, qu’il émet. Ces émissions ont des variations de tonalité. Ce personnage clef de la chaîne de vies multidimensionnelles, scelle en son être le mécanisme immuable de l’existence en ces trois parties essentielles : le corps, l’esprit et l’idée. Il n’en saisit pas pour le moment la portée et surtout pas encore la substance impalpable.

En résumé, une Matrice plasmatique pourrait tout aussi bien déposer des parties d’Elle-même, en des endroits précis, telles des grains qui attendent de croître naturellement et de s’élancer à l’assaut d’un ciel attractif dont la seule ouverture est le génie humain. La destinée probable des créatures est présentée dans le roman par la capacité de dépasser ses perceptions visuelles acquises pour tendre (dans l’effort) vers de nouvelles. Le mouvement de la pensée conduit à la mobilité du corps organique, organe de déplacement et outil de préhension. L’environnement n’étant qu’une interphase de données fixées sur le parcours de l’être en mutation. En ce lieu exigu, le point acquière, en un règne, l’étrangeté de la personnalité.

 

Line land (le pays Ligne)

Quand tout un ensemble de personnalités est réuni de front, en une ligne, une gradation des idées de soi se met en place aussitôt. Sur ce territoire, le point a grandi, il est devenu une petite ligne, de dimension inégale en fonction de ses attributions. À Line land, la plus petite ligne prenait la taille de deux ou trois points serrés côte à côte. C’est la marque d’une évolution infime mais notable. Étonnamment, la petite ligne qui avait le plus de disposition à l’ouverture patiente et studieuse se retrouve repoussée aux extrémités sur le pays de la Ligne. Manifestement, le sieur ligne qui a le moins travaillé pour s’émanciper d’une idée dominatrice privée d’envergure marque le plus d’appétence à la volonté d’occuper le centre d’intérêt de Line land. Est-ce une subtilité de l’Architecte matricien ?

C’est comme si le savoir et l’humilité comptaient moins que ce qui se prend subitement pour le point d’équilibre de cet ensemble aligné de part et d’autre de l’égocentrisme. Le pays où l’on conçoit d’autres individualités, d’autres positionnements par rapport à soi, et ainsi d’autres états d’être. Mais à Line land, il y a une petite ligne expressive qui régularise les mouvements d’idées de soi et centralise les mouvements mobiles vers le centre. C’est la forte opinion d’un chef qui pense toujours être l’interprétation du seul état possible, sans partage. La perception s’avère unilatérale. Les informations - non reconnues - de la pièce centrale, convergent vers elle. Ces données l’assurent que sa sécurité est maintenue et que son bien-être prévaut sur les autres. Comme à Point land, l’idée émergente est qu’en dehors de la grande ligne rien d’autre n’existe. Le pays de la Ligne est tout ce qui peut être établi selon les critères de performance et de durabilité. La seule vision des petites lignes, de part et d’autre de celle du milieu, était le centre de Line land. Nul ne pouvait faire autrement car chacun était disposé ainsi.

Quant au monarque, sa vue était doublement réduite aux seuls points qui se situaient à sa portée. Les mouvements de masse, parvenaient au point neutre du milieu comme un brouhaha dont les vibrations, nous explique Edwin A. Abbott, semblaient porter l’indication claire de chaque personnalité du territoire. Ce que l’on nommait ‘homme’, ‘enfant’ et ‘femme’ étaient identifiables par la particularité de la vocalise émise vers le centre. Ainsi, tout un chacun connaissait son voisin direct et le roi ses suivants indirects.

 

Le pays de la Ligne - celui-ci et les autres épars dans l’immensité de l’espace que le lecteur occupe - avait des règles de vie strictes basées sur la liaison harmonieuse entre occupants du même tracé rectiligne. Le masculin et le féminin ont fait leur apparition, donnant un visage peu commun qui n’atteint pas Point land où le genre et le nombre sont des valeurs inexprimables car nulles. C’est l’alphabet de la Nature qui se dessine en termes plus complexes (les X et les Y, en somme). L’harmonie et la joie des épousailles tiennent la combinaison de duplication comme salvatrice de l’espèce et la pérennité du royaume pour le plaisir du seigneur du lieu. Et qui dit grand A et grand B propose conséquemment A majuscule + B majuscule = a minuscule ou b minuscule. Le pays de la Ligne est une droite dynamique. Sa mécanique sécrète dans l’essence même de l’analogique mathématique et se conforme au devoir quantique par l’utilisation de la fréquence sonore algorithmique.

À son insu, le monarque sert de pierre angulaire au dessein d’une ligne qui se trace sous l’apparence d’un espace qui se déploie sans cesse. Le déploiement est une double pertinence temporelle qui coïncide avec la longueur et le parcours des babils des sujets au potentat. Sur Line land, les dimensions de temps et d’espace sont en inflation. De la multitude naquirent des petites lignes épousant des rôles divers et des variations de tons afin qu’un lieu soit le théâtre de la diversité. Ce qui pourrait être le but de toute la création de Line land. Le peuplement de petites lignes sur une droite est dépassé, dans son projet initial, par le rapprochement soudain de deux pays de la Ligne qui se rencontrent un jour - ici, l’on peut écrire  un jour futur parce que le monarque est l’incarnation de la borne temporelle du passé d’où s’évadent les vagues générationnelles, s’éloignant les unes et les autres davantage sur le terrain souple de la situation physique, mentale et sans doute idéelle.

 

À Line land, du point central aux deux bouts de la ligne, l’idée qui s’exprime par le mental est contenue dans le rêve audacieux qui échappe au pouvoir régulateur du représentant principal de l’état – par extorsion. Ce rêve est de faire la rencontre improbable d’une autre ligne. L’unicité du royaume de cette partie de la création du grand ensemble de Point land et de Line land serait abolit. Du seul point de vue général et statistique, un tel rêve éveillé a toutes les chances d’aboutir, pourvu que l’autre pays de la ligne soit bien orienté et suffisamment rapproché.

 

Flat land (le pays Plat)

C’est à Flatland que ce constat peut être établi, à condition d’avoir un tant soit peu, un langage philosophique et analytique pour se faire. Qu’est Flat land finalement ? Un conglomérat de lignes droites qui ont perdu leur statut de « royaume unique »… et où les petites droites ont pris, elles aussi de l’allure dans le développé de leur expression spatiale. Le personnage ‘petite ligne’ est devenu une personnalité clé du domaine du plat pays. La dimension acoustique est elle aussi toute autre. La dimension de la perspective a cru en deux mouvements de vision et de pensée simultanée. La notion de temps est absorbée dans les actes relatifs aux croisements des probabilités entre un x et un y. Le monarque n’est plus le repaire absolu. Les générations de personnages rythment le chemin de vie des figures expressives de l’identité de la forme. Un seul problème demeure. Il persiste obstinément depuis la prise de conscience de l’individu à Point land quand celui-ci se croyait l’Unique, le Tout.

À Flat land, quelques personnages du même acabit reproduisent de semblables ritournelles infantiles. Sauf que son impact, dans un pays aussi vastement peuplé que le pays Plat, crée des inégalités de liberté d’expressions et de confort. Le tyran s’est associé à un autre, puis les deux à d’autres. La tyrannie est aujourd’hui - sous nos yeux de lecteurs médusés - un système qui cloisonne la figure géométrique jusqu’à ses aspects les plus archaïques. La figure géométrique doit répondre à un principe mathématique, l’angularité. En deux mots, à Flatland l’aspérité est douteuse. Une figure lisse représente l’aboutissement de la race oppressive.

La prise de conscience de l’individu y est mal aisée. La forme géométrique est convaincue être née avec des tares qui l’accusent et la déterminent. À l’époque du grand jeu de l’identité sur Point land, le point se pensait singulier. Sur Line land, l’une des petites lignes se disait la seule. À Flat land, quelques-unes s’annoncent comme les seules. Il faut dire que la vision globale du grand jeu n’est pas visible à celles-là. À l’inverse, les philosophes restés près du quotidien du peuple se distinguent par leur audace, par quelques lignes rédigées sur une probable continuité du pays Plat vers un au-delà inconnu. Celles qui ont des expériences de type « mystique » ne l’écrivent pas, elles s’en font l’écho par leur discussion, dans leur discours et dans leur démonstration logique. La nature de Flat land est emprunte de diversité quant aux formes géométriques – c’est-à-dire les vivantes manifestations de l’endroit.

 

Ce qui paraît neuf, dans ce contexte de l’existence plate et régulière, tient dans la très grande prolixité des genres. La joie des épousailles précédait à l’engouement de la procréation, presque à l’hystérie des figures planifiées régulières. En ce pays de mystères, l’épaisseur a toujours droit de cité, auquel cas les ‘hommes’ et les ‘femmes’ seraient imperceptibles à leurs propres yeux. Aussi mince soit-elle, l’épaisseur est une donnée cachée du système dimensionnel. L’épaisseur est à l’image de l’idée de hauteur chez ce petit peuple fébrile qui n’en accuse guère de réactions ou de commentaires.

 

Le monde a une nouvelle définition : la diversité. Le contraste vient de la volonté de tierces personnes de maintenir l’unicité de la pensée collective. Le pays Plat est un plan de surface de vie où la multitude des individus engendre un phénomène de masse populeuse que l’on appelle communément le « monde ». C’est, à la fois, le lieu de résidence des figurines géométriques que les petites personnalités incarnent de façon très définies. Elles vaquent ordinairement à leurs affaires privées et à leurs occupations corporatives. Flatland se présente à notre regard telle une lame ‘porte-objet’ de verre sous l’objectif d’un puissant microscope. Une lumière naturelle crée l’ambiance fantomatique d’ombres voilés au degré d’épaisseur divers.

Notons, que si une quelconque luminosité existe, elle ne peut que mettre en reliefs les éléments saillants de l’existence des habitants du pays Plat. De même que dans notre univers tridimensionnel, les repères cardinaux s’expriment en quatre points imaginaires précis. On y apprend même qu’une attraction magnétique certaine s’exerce sur les corps en mouvements, y compris les figures géométriques vivantes. Il est ici inutile de reproduire dans le détail toutes les similarités que ce monde à deux dimensions contient d’avec le monde de l’espace (Space land), seul l’éveil et le maintient de la conscience sont d’actualité.

À Flat land chacun a la conscience d’exister, et pour rehausser cette affirmation de soi, les êtres ont nommés les choses qu’ils ont fabriquées parce que ces objets manufacturés véhiculent innocemment la pensée qui les a créés. Les outils, les meubles et les accessoires professionnels ou de vies privées n’ont certes pas d’âme (c’est-à-dire de capacité d’animation spontanée), mais ces instruments ont cependant la forme et la matière nécessaires à leur usage habituel. Ce qui laisse penser que l’objet est une extension inconscience du besoin de pénétrer le mystère de la vie en tous lieux et à toutes époques.

 

La façon dont les uns et les autres se voyaient relève du même mystère. Leurs pensées intimes positivistes et négatives sont une sorte de nourriture qui alimente énergétiquement un ensemble plus vaste de rouages et de balanciers, imperceptibles à nos yeux. Ce pays toute en surface gère une mémoire des événements passés, c’est le patrimoine inhérent à toute une société d’êtres pensants dont les faits et les gestes préhistoriques se sont écartés de la considération populaire. La mémoire connaît, elle aussi, ses propres failles. Sur ce sol, la révision de l’histoire s’est faite essentiellement selon l’émoi quelle pût susciter dans la communauté. L’établissement de l’Histoire est usuellement sujet à révision selon les nécessités ponctuelles personnelles ou les besoins de maintenir son train de vie personnel.

Parce que la population est plus grande, les règles qui la régissent sont plus étroites parce qu’elles supposent la difficulté d’encadrer convenablement les agissements des personnes et les idées sur elles-mêmes qu’elles peuvent émettre. De là, la difficulté de mettre en place des lois réalistes et équitables qui tiennent compte des envies de chacun. « Une loi commune pour un état d’esprit commun » ne relève que de l’idéologie. Dans ce phénomène de tenue, ce sont les aspirations qui bousculent les barrières comportementales. Bien souvent, une humanité est en marche quand elle peut progresser en allant de l’avant et en empruntant la voie légèrement escarpée de l’instinct. Cette dernière disposition répond à des appels incessants qui dirigent vers le haut l’individu qui saisit, non l’intégralité du message, mais bien l’origine de celui-ci.

Et comme malheureusement, le tyran n’y a pas encore accès, sa volonté de ne pas se retrouver seul le contraint à réprimer et à brimer, de quelques manières que ce soient, le transport de quelques uns. De là découle tous ces quiproquos de compréhensions et ces heurts concernant le bien-fondé de telle ou telle réaction à l’entendement de l’appel d’en Haut. À Flat land, il n’y a pas de notions de hauteur ; les enfants ne jouent pas à saute mouton. Il eût même été difficile à Edwin A. Abbott de confirmer que le monde du pays Plat était une surface sur laquelle, ou en laquelle, les représentations géométriques se meuvent à leur gré.

 

Peut-on imaginer le calvaire de la caricature carré qui tente d’expliquer une vision, à partir de notions spatiales qui n’ont pas cours dans son microcosme ? Quand bien même en aurait-elle eu préalablement l’expérience mystique par un extraordinaire rêve éveillé, cela ne donnerait que peu de résultats. Le rêve est-il le portail ouvert sur d’autres dimensions ? Encore faudrait-il y avoir accès par une conscience éveillée et avec la capacité de circuler par une volonté exercée et tendue. Dans l’accroche de la présentation de l’œuvre Flatland, l’auteur dit le monde vaste et large, prenez patience car le cerveau du peuple est limité et obtus [c’est nous qui soulignons]. L’expérience d’un Carré du pays Plat n’a pas servi l’intérêt de la communauté de sa ville, en tout cas. La perception conduite depuis Space land - le pays Spacieux - s’est étiolée du fait même de la dimension de perception intellectuelle. Il y avait, de toute évidence, un manque de réceptivité organique à la base. L’encéphale en 2D n’est peut-être pas suffisamment doté et mis en condition pour emmagasiner des données étrangères supérieures à son univers.

Au départ, pourtant, passé l’émotion première de la nouveauté, la capacité de raisonner de ce spécialiste du calcul mathématique aidait grandement. Lui-même, le sieur Carré, était à la merci d’une vision spontanée qu’il ne réclamait pas… mais qui coïncida cependant avec un exercice mental de calcul logique sur une formulation spéculative d’équation arithmétique : 33 ou le chiffre trois porté au cube. Seulement, si l’écriture est accessible aux mouvements de la main, elle demeure inappropriée aux cogitations mentales. C’est le langage abstrait de la mathématique qui vint au secours du protagoniste narrateur. La figure géométrique spatiale - une sphère - exerça des pressions sur le psychisme cartésien du maître de la maison.

La sphère n’est pas, à l’œil du carré, une figure mais ce qu’elle dénomme elle-même un ‘solide’. C’est une notion nouvelle qui nécessita l’apport gradué d’un vocabulaire idoine. À Point land, le point unique n’a qu’un point terminal. À Line land, une ligne a deux points terminaux. À Flat land, un carré a quatre points terminaux. À Space land, d’où la sphère agit, le « solide cube » a huit points terminaux. C’est la Loi de la progression arithmétique. Nul n’avait eu le talent pour demander combien de points terminaux produit une figure spatiale dite ‘extra solide’.

 

Space land (le pays Spacieux)

C’est un problème encore irrésolu au pays Spacieux. On ne voit pas très bien ce qui représente dans l’espace, un produit extra solide à 16, 27 ou 8 points terminaux fluctuants. La formule mathématique est creuse. D’ailleurs, il n’existe pas de modèle susceptible de nourrir l’esprit mathématique dans la Nature de Space land. Toute civilisation a ses limites conceptuelles. Ceux qui s’y ont essayé, se sont heurtés à un refus d’explication tangible. Les prophètes du monde sans fin - Infiniland - avaient jusqu’à ce jour tenté la manœuvre de poser leur solution sur la foi de voix venues de l’extérieur. Des gens peu rationnels, somme toute ! Comment donc la perception de la densité pourrait-elle fluctuer vers des espaces élargies ? Les dimensions semblent à ce propos fermées et stables.

Comme le démontre à Flat land la composition d’une figure géométrique. Cette même démonstration peut être faite à Space land où les solides (les figures géométriques spatiales) ont des angles, des droites, et des entrailles, selon le mode d’expression en cours au pays Plat. Bien sûr, sur Terre, les esprits scientifiques ont biaisé en introduisant un paramètre aussi flou que celui du temps qui passe, tentant insuffler un ballon d’oxygène aux calculs.

 

Si la sphère de Space land n’en dit rien au sieur Carré du pays de la surface, c’est pour éviter un rejet de la communication faite lors de sa visite à Flat land. Pour nous autres, figurines tridimensionnelles, mieux vaut effectivement garder encore quelque temps le secret. Une notion à la fois. L’ouverture de la conscience collective repose désormais sur une conscience individuelle. Et son sort est pour le moins peu sûr. Chaque dimension d’espace de vie se prête à la découverte d’indices qui conduirait à reformuler son environnement en termes plus précis. Un pôle d’attraction spatiale pourrait ainsi faire converger vers un Nord magnétique, très haut juché, les manifestations d’idées et toutes particules de vie douée de réflexions. À Flatland, il n’est pas possible d’expliciter l’atome et la vitesse de la lumière. Ce sont des données qui demandent une autre gestion de l’information et probablement d’autres corps organiques mieux connectés au pouvoir de mémorisation amplifiée. En bref, une autre identité dotée d’un autre état d’esprit afin de percevoir de façon intrinsèque la complétude de son monde.

Sans abandonner le sieur Carré du pays Plat, qui dit souffrir le martyre pour réaliser, comprendre et admettre ce que la sphère tenait à lui faire partager, situons notre désespoir de concevoir le monde tridimensionnel autrement qu’il n’est. Y a-t-il une dimension d’espace au-dessus de la nôtre ? Notre carré a quasiment répondu à cette interrogation, en usant de ses facultés intellectuelles tout en maniant un langage d’abstraction sur lequel notre réalité transparaît. La théorie de la quatrième dimension reste exacte si l’on sait le parcours de l’analogie : un ‘extra-solide’ produirait 16 points terminaux fixes. Gardons le bénéfice du vocable offert par l’habitant de Flat land. Un ‘extra solide’ serait un solide implanté dans le monde de la densité qui disposerait d’aires de liberté d’expression dynamique en transcendance - en dépassement par excès donc ! - du contexte visuel au plan qu’il occupe logiquement.

Alors ce serait un cube extraordinaire, parce qu’une partie de lui-même irait se loger par-delà la perception du commun des mortels. Ce serait un solide qui produirait sa propre géométrie spatiale temporelle, en quelque sorte. De Point land à Space land chaque dimension d’espace a fourni son lot de certitudes d’avec les éléments de base. Les données nouvelles ont forgé une dynamique dans la conception de l’état du monde vivable d’où s’interrogent les résidents dimensionnés aux paramètres de la dimension de l’univers ambiant. Si le pays Spacieux croit avoir bien fait d’intégrer les valeurs du temps qui s’écoule dans les dimensions de points, de droites et d’angles, usons du droit d’écriture pour soustraire une notion qui parcourrait déjà les univers de Pointland, Lineland et Flatland. La succession des événements n’est pas relatif à la dimension spatiale de façon exclusive à Spaceland.

 

Edwin A. Abbott n’était pas que visionnaire, il était avant tout logique. Chez lui, le chemin du raisonnement est balisé par la Loi de l’analogie. La pierre d’achoppement est sise dans la capture des termes employés et dans la restitution cérébrale, puis écrite et schématisée. La progression géométrique se finalise quand le Carré conclut que le cube - l’extra solide au pays des quatre dimensions, doit représenter 8 cubes frontières. La solution faite plutôt état de 27 cubes frontières. Mais le Carré a pensé en fonction du plan de surface. Assurément, une opération thermodynamique seule peut exposer un cube à points en un solide exponentiel à neuf fois son volume initial, où seize points terminaux s’exultent. Qu’en est-il vraiment dans l’exposé mathématique ?

Une telle supercherie est de l’ordre de la science-fiction. Au pays de l’espace, la pensée est handicapée par la couche osseuse qui l’enserre fermement. Le cerveau dans la boîte crânienne n’a pas d’ouverture possible sur une zone qui évoluerait comme évolua le Big Bang aux premières nanosecondes de la jeunesse de l’Univers. L'inflation cosmique est un modèle cosmologique s'intégrant dans la théorie du Big Bang tentant d’expliquer qu’une région de notre univers observable aurait connu une phase d'expansion violente.

 

En ces temps modernes, il n’y a guère que les rêves qui trouvent leurs échos de l’autre côté de la vision du vivant. Le sieur Carré nous l’a prouvé lors de la relation de son rêve puis, plus tard, de sa vision éveillée de domaines intangibles à son quotidien. À Point land, la dynamique est figurée par la pensée qui fait mouvement par les opérations de captation, de rétention et d’intégration. Pointland se découvrait de prime abord comme le pays de la Pensée. À Spaceland, ce n’est pas le temps qui régit la troisième dimension, c’est le mouvement. L’univers tridimensionnel est en situation de crise économique définit comme en situation d’inflation cosmique. Le temps reproduit la marche des siècles dans ce qu’ils apportent de faits se succédant.

De tels phénomènes de focalisation immatérielle lors de rêves non vigiles prennent naissance dans la pensée seule. La pensée est mécaniste par essence. L’encéphale est la machinerie des lumières et des sonorités. Qu’en fait l’esprit ? L’esprit est un peu le pays de la Pensée. C’est le terreau nourricier qui, bien que virtuel (c’est-à-dire en puissance) et circonscrit dans un espace réduit qui satisfait pourtant tous les besoins de l’individu, convient également à la Loi de l’économie de l’énergie. Ce terrain mental prépare le penseur à accéder à un concept aussi gigantesque qu’un univers, sans limites. L’Infiniland s’y retrouve volontiers. L’accession à des représentations inventées mais cohérentes s’exécute par le travers d’une intelligence plastique. L’encéphale est le seul outil ouvert aux figurines géométriques et volumétriques pour sonder le cosmos et solutionner toutes les théories sur le Grand Jeu des pièces animées. Space land dispose d’un atout scientifique pour se projeter dans le futur et au-delà.

La découverte de l’atome et la rédaction de la théorie des particules est propre au monde tridimensionnel. Chez nous, l’écueil réside pourtant en ce que nos savants sont encore partagés quant à définir précisément si c’est la particule ou l’onde qui donne la matière telle que nos corps et nos esprits sont composés. C’est souvent même une question de principe athéisme ou de foi religieuse qui ancre le déterminisme en deçà l’observation des chercheurs.

 

À Flat land, le génie est exceptionnel, mais c’est pourtant à partir de ces points de caractères logiques et pugnaces que se modélisent les constructions de l’esprit les plus audacieuses. L’analogie vint une fois encore au service de cet esprit mathématique. « Il existe en toute certitude une Quatrième dimension, que [la sphère] perçoit avec l’exil de l’esprit ». Le sieur Carré entend par là qu’avec ses propres rêves éveillés, la Sphère ne peut qu’accéder à son plan supérieur de vie. Bien entendu, cela doit sous-entendre que la lucidité éveillée au cours du sommeil est le fruit d’un travail laborieux. Le sieur Carré ne pense sans doute pas que le corps est déjà prédisposé, sans avoir été préalablement entraîné.

Le cerveau est un outil malléable à partir duquel le penseur philosophe et oriente les cheminements de la réflexion. Il le fait jusqu’à ce qu’une théorie soit l’équivalent d’une sorte de programme d’érudition académique apte à déjouer tous les pièges de la linguistique jusqu’à l’obtention d’un schéma directeur efficace. [En aparté, retenons qu’un tel processus de planification neuronal est encore sujet à caution bien qu’à l’étude clinique sur des cas psychologiques de névroses ou de paranoïdes. Ces êtres désemparés voient ce qu’ils croient voir. Ce qui ne veut pas dire qu’il y a eu quelque chose de physiologique. Nous sommes encore à  l’abri de ces écarts de la pensée créatrice qui éclaire le fond de l’œil en pétillant de malice].

«  En quatre dimensions, un sieur Cube ne produirait-il pas, en se mouvant, quelque organisation […] dotée de seize points terminaux ». Le sieur Carré utilise l’esprit cartésien et pratique de son guide spirituel. Il l’oblige à faire les mêmes contorsions cérébrales que lui-même a dû produire pour accoucher d’un avorton de compréhension. Le Carré de Flatland se sent en liesse face à la perspective de l’infinitude des dimensions de vies. Le hic ! C’est que pour répondre à cette remarque, un sieur Cube exercé ne peut, à son corps défendant, contraindre son organisme à une contraction mécanique et à une inflation expansive physiologique par le seul jeu de son cortex cérébral. Quoique le corps physique, à notre connaissance, soit un conglomérat d’ondes particules qui vibrent à une cadence si grande qu’il nous fallut, sur la Terre de ce Ciel tridimensionnel, usiner des appareils de lectures sophistiqués afin de capter dans le microcosme l’insoutenable réalité. L’Univers de Spaceland est, en soi, une strate vibratoire où l’onde ou la particule constitue par sa vitesse de rotation et de déplacement un semblant de solides. Comment alors harmoniser deux ondulations, deux octaves tirées d’une seule note pour dédoubler un amas cubique en un agrégat inflationnaire stable et contractile à l’envi ?

N’était-ce pas ce qu’instituait le Roi de Lineland quand il répondait à un ignorant « par la Combinaison de la liaison harmonique où l’Homme possédait en lui la couple Basse et Ténor ? » Un tel chant dit diphonique est basé sur une technique de chant de gorge. Ledit chant pharyngé consiste à émettre dans le même temps une note principale grave et une sonorité aiguë créant ainsi une mélodie harmonique en deux mélopées harmonieuses couvrant jusqu’à deux octaves. Voici une maîtrise ancestrale de chant traditionnel à capella que les chamans (hommes) et les chamanes (femmes) utilisaient pour, disaient-ils, se relier à l’univers et les esprits des ancêtres. On y voit là toute l’accumulation de l’énergie contenue et libérée pour produire une voie vers l’éveil de la conscience. Les chamans et les chamanes bouddhistes du monde entier en usent encore de nos jours.

 

Infiniland (le pays de la Pensée)

Les petits ouvrages célestes géométriques se détendent et se contractent au-dessus et à l’intérieur de la strate dimensionnelle du troisième plan supérieur. Ce qui exclut le corps solide. La définition d’‘extra solide’ proposée par le Carré serait purement transitoire à son monde. Son interprétation au pays de l’Espace infini prendrait le sens de corps subtil pour convenir à ce système. La Sphère et le Carré ont mis l’accent sur la figure douée de vie auquel l’auteur tenait à fournir des entrailles. À l’intérieur de la figure plate et de la structure spatiale, l’espace creux est comblé par l’imaginaire pour supposer le mode de vie existentielle des deux comparses en discussion. Néanmoins, dans l’esprit, il est bien difficile de conjecturer un pareil espace évidé consacré à une vie autonome et opportune. Cela supposerait des va-et-vient occasionnels entre deux dimensions, une ancienne et une originale et nouvellement acquise. Nous autres, ici en 3D, nous ne savons pas et ne voulons rien savoir de ces représentations. Nous vivons bien plus tranquilles sans toutes ces balivernes.

La vision du Carré, dans sa démonstration, est conforme à la progression géométrique. Un cube, en quatrième dimension spatiale, a bien seize points terminaux, soit huit cubes frontières. Ce qui distribue, dans une espace localisé vingt-sept cubes circonférentiels dont le Cube initial en plein centre. Quelle serait alors la qualité vibratoire de cet ensemble fondu en une pièce exercée aux fluctuations fébriles entre deux eaux vives ?

 

Portland (Grande Bretagne)

Voilà un mental innocent qui s’est forgé à la conviction qu’une dimension forte de pneuma peut respirer et emprunter à une strate sa matière pour la porter plus haut, à l’étage suivant. N’est-ce pas une manière de se débarrasser des scories des pensées vagabondes inutiles qui ancrent l’esprit dans une densité à l’octave lourdement porteuse ? À Pointland déjà, on nous signalait que la créature en forme de point vibrait, émettant un discret mais persistant bourdonnement. À la réflexion, chaque dimension supporte l’activité qui lui est confiée. Vie et Pensée sont semblables et opèrent dans des registres sensoriels différents. Pareillement, la vie diffuse sa sonorité et sa luminosité. Il y a un champ vibratoire qui est la distance de la diffusion. La pensée du vivant est la régulatrice de ces phénomènes acoustiques et lumineux, le temps de la location de l’espace par l’organisme. L’ascension corporelle supputée par le Carré, enivré pas ses aspirations arithmétiques, est un concept comme un autre. Il peut céder sa place à une seconde conception dont l’accession serait le motif des planifications des manifestations de vies corporelles puis, intelligentes, philosophiques et pourquoi pas théosophiques. L’ambition de la pensée qui se manifeste ne connaît peut-être pas de véritables limites. La pensée, cette matière fluide posée sur de la matière solide est, sans doute, la donnée inconnue à solutionner dans ces combinaisons de calculs mentaux.

 

En dehors de l’expérience et du labeur de l’étude comportementale, point de progrès. Le docteur Edwin A. Abbott a laissé à la postérité des représentations spatiales d’humanité, un rien de ses doutes, beaucoup de ses idées pionnières merveilleuses. Des figures géométriques volumineuses dont le seul comportement obstiné de la matière grise créerait des sauts quantiques à partir du tunnel du Temps dont la boîte crânienne est le temple, l’énergie la substantielle poussée et le substrat schématique de l’idée le voyageur imprudent.

 

Conclusion

Lorsque l’on parcourt les chapitres de ce roman d’anticipation, on reste frappé par la lucidité d’Edwin Abbott. Certes, ce professeur l’algèbre supérieur et de géométrie algébrique avait les outils nécessaires pour envisager l’Univers diversement. Mais sa vision personnelle d’un système gigogne où les dimensions de vies dans la matière lourde est une gageure pour 1884. Quant à émettre l’hypothèse ludique que le mental est une des clefs qui ouvrent (ou ferment) l’accès à des plans de vies plus subtils… C’est encore aujourd’hui une œuvre magistrale.

Pointland exprimait l’émergence de l’idée. Il s’agit de l’idée d’exister.

Lineland confirme l’idée d’être dans un état particulier. C’est la prise de conscience de la forme. Cette découverte s’accompagne de la connaissance que d’autres formes de vies différentes existent auprès de soi. Il convient d’effectuer un travail de rapport avec l’autre et de convenir qu’il s’agit d’un autre soi, sous une forme différente. Le genre fait son apparition. Le masculin et le féminin deviennent la formule de la différence, sous l’apparence d’un semblable.

Flatland permet d’user du principe de reproduction des formes et des genres à l’infini, pour orienter le regard vers la diversité biologique des aspects extérieurs. Le cycle de la vie s’établit comme une longue période d’apprentissage de la production des enveloppes corporelles et du système copiable de la pensée. L’individu est l’expression de l’idée. Cette idée connaît à travers les siècles des variations d’importances où l’équilibre de l’espèce est en danger.

Spaceland est un vaste espace volumétrique afin que l’exigence d’un plan supérieur se déploie dans une partie du Cosmos. Le temps et l’espace sont les deux axes qui posent l’Idée transcendante comme origine et objectif de la Vie. La Matrice de l’Idée se met partiellement à découvert.

Infiniland prend la forme de l’habitat principal de l’Idée génératrice de la multitude d’essais et de compositions de variations de pensées sur Elle-même. Un projet supérieur teste ses compétences à émettre toutes les idées d’états vibratoires. Les idées de Pointland à Flatland sont les manifestations de vies pensantes d’une Source d’émission centrale dont l’iedos ne connaît pas encore ses limites dans la variation et la durabilité.

 

À ce sujet, je vous propose la lecture d’un document de fiction sans retouches.

 

Radio-Libre-Albemuth.jpgradio libre albemuth. Dick, Philip Kindred. Éditions Denoël, coll. Présence du future n°444 (1987). ISBN : 2-207-30444-2

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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 09:45

SOLARIS

de Stanislas Lem

cybernéticien, astronome et biologiste

(1961)

 

Introduction

Solaris de Stanislas LemLa présentation de la planète, en dessous de la Station orbitale Solaris s’effectue graduellement comme le zoom de la caméra rapproche sensiblement l’observateur de l’objet observé. Dans un Cosmos froid et atone, la planète exotique réunit à sa surface visible toutes les caractéristiques de l’Univers avec lequel elle se fond littéralement.

Le spationaute découvre petit à petit un monde endormi, calme et ronronnant. L’océan qui recouvre la surface de ce monde lointain, à l’extrême limite du voyage interplanétaire, subit l’éclairage d’une luminosité naturelle qui facilite l’observation et les descriptions physiologiques de cet habitat singulier.

L’arrivée du nouveau venu n’est accompagnée que par la monotonie et la platitude du comportement de l’organe océanique. Seules les couleurs, presque timorées, laissent paraître une activité de mouvements et de relatif changement. Aux teintes grises largement répandues succèdent de timides éclats brillants en surface. Ces émois passagers dénoncent une lente activité somnolente de vagues amorphes.

De l’intérieur de la Station orbitale, la mer se prête mieux à une observation de longue durée. La perspective est différente. Ce qui paraissait insignifiant, à l’échelle humaine par l’altitude, prend désormais une échelle plus proche du gigantisme. Les éléments qui constituent l’étendue plasmique saline et qui la caractérisent telle une entité à part le monde solide, se montrent sous son vrai jour.

Les énormes vagues forcent la conviction d’être en présence d’une puissance en léthargie. L’écume épaisse dénonce une activité sanguine sous jacente. Les vagues, elles-mêmes, accaparent l’attention du visiteur. Les teintes sanglantes et noirâtres contrastent en force avec la placidité de l’étendue que, déjà, une rumeur profonde en sourdine notait comme une personnalité douée d’improbables intentions.

 

(l’arrivée)

Le roman de fiction de Stanislas Lem évoquait, en 1961, l’idée majeure de la rencontre insolite de l’humain, issu de l’évolution des espèces selon une sélection naturelle, et d’un pseudo océan ressemblant étrangement à un encéphale liquide étendu sur un globe terrestre.

Ainsi, dans son roman Solaris, le romancier polonais Stanislas Lem mettait-il l’humanité des hommes face à leur propre mystère. Les termes latins sol et solis qui servent de racines au titre de Solaris posent les embasements linguistiques que les soleils dans l’Univers sont les dépositaires des vérités que Solaris révèle peu à peu au fil des pages à d’interrogatifs visiteurs.

Solaris semble, dans la mesure d’une double exposition théosophique et philosophique, faire l’enseignement de l’histoire de la genèse de l’Homme en tant qu’espèce vivante. Le pseudo océan Solaris peut se lire comme le mystère révélé de la genèse de l’humanité des hommes, au-delà sans doute de la raison humaine.

Le protagoniste principal de l’histoire contée est d’une intelligence telle qu’elle contraint les héros du roman de fiction à se comprendre eux-mêmes avant d’envisager percer leur propre énigme à travers le comportement hallucinant de l’océan de la planète Solaris.

La communication articulée est absente du théâtre des événements ; il n’y a pas le moindre repaire de base conventionnée entre la nature de ce mystère et les savants et spécialistes qui sont suspendus au-dessus de ce titan impénétrable. La rencontre est le seul rapport qui s’établit avec ce devin ensemble fluide aux aspects du plasma humain. Cette mer immense utilise cette communion intime pour créer miracles sur miracles comme autant d’abominations produites de son seul cerveau avide de curiosités exotiques. Les spationautes de la Station orbitale Solaris se mirent inconsciemment dans le miroir monstrueux de leurs subconscients tout au long de leurs investigations.

 

Solaris est le récit morbide – au-delà du témoignage oculaire tragique – du prodige que les terriens accordaient, jusqu’à présent, à une divinité unique omnipotente. Solaris jette le trouble sur les croyances ancestrales et les espérances les plus modernes d’un contact avec un dieu de l’immortalité. Ce monde du silence est, lui aussi, apte à produire et reproduire le miracle de la création, de la vie et de l’amour.

Solaris serait-il ce dieu intolérablement silencieux et lointain ?

 

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(les Solaristes)

L’accueil de la planète était plutôt distant et frais. Il est particulièrement rigide de la part des représentants de l’humanité à laquelle appartient le nouvel arrivant. Accueil glacial et menaçant, s’il en est, qui crée le désespoir du futur collègue. Le nouveau venu est d’autant plus surpris que l’humanisme est celé sous des comportements d’animaux aux abois. Le travail du nouvel arrivant, psychologue de son état, va pouvoir commencer. Les obligations d’analyse des collaborateurs et d’introspection personnelle semblent déjà avoir été amorcées à son insu.

Le constat de ses prédécesseurs est amer : la chose est vivante. Depuis que la sonde orbitale est devenue la Station de la planète Solaris, plusieurs générations de chercheurs se sont succédé dans les locaux exigus. Des tentatives de rapprochement ont été faites pour désigner le substrat aqueux qui évolue, paisible, à la surface de ce monde apparemment mort. Le bilan actuel ne laisse guère de doute sur la qualité expressive de la mer vivante qui s’étale sous les yeux de tous ces gens venus d’ailleurs, avec leurs idées étriquées et leurs concepts étroits sur la vie.

Les missionnés de la planète Terre envoyés sur Solaris avaient finalement conclu, à la majorité, que l’astre était indéniablement animé, qu’il émanait de lui une pensée structurée et réfléchie. Que peut-être même Solaris était douée de conscience, en terme terrien et savant, s’entend !

Solaris était une étoile qui répondait à l’attraction conjointe, bien qu’alternée, de deux soleils : un soleil rouge et un soleil bleu.

Les planètes bleue et rouge, qui sont en positions satellitaires, autour de l’astre solaire, sont en tension permanente, permettant à cette substance lumineuse sur le sol de Solaris d’avoir un appui tangible, pour s’extraire de sa condition de fluide énergétique et s’adonner à des formes de densité différente. La proximité d’objets inanimés et d’êtres vivants lui offre l’opportunité de reproduire in situ et in vivo des états de matière les plus courants, ne saisissant pas toute la complexité de la « pensée » et des « mémoires ». C'est sans doute là le drame de Solaris, l’énergie cosmique.

Au cours de sa révolution autour de ces soleils de feu et de glace, la planète subissait des variations physico-chimiques comportementales. Ses aurores et ses crépuscules décidaient de l’éclat de la surface océane, mais également de ses humeurs, tantôt hystériques, tantôt platoniques. Le socle de ce monde est identique à celui de notre bonne vieille Terre, mais ce qui faisait la différence résidait dans le nombre d’habitant. La Terre en dénombre quelques milliards tandis que Solaris en comptait qu’un seul. Et quel habitant !

Incidemment, et à la longue, l’identification du principal résident de la planète importait plus que l’étude de l’habitat. Le psychologue nouvellement arrivé sur les lieux découvre une situation étrange au sein des Solaristes savants. Le climat général est à la peur de l’inconnue et les chercheurs qui se cachent tous redoutent davantage ce qui est connu. Chacun des quatre spécialistes évoque des soupçons persistants sur la réalité qui l’entoure. De plus, le nouvel arrivant constate avec effarement que la Station orbitale Solaris est occupée par un plus grand nombre de personnes qu’indiqué.

À l’extérieur, le monde-océan fait figure de décor grandiose aux coloris envoûtants. Dans le passé, l’intelligence s’est montrée timide à l’approche de l’humain. L’océan évitait même le contact physique avec les colonisateurs. Le seul « cerveau » de la planète préférait l’économie de mouvements à toutes les fougues dispendieuses. Quoique selon les expositions aux rayonnements de ces deux soleils, l’océan montrait des capacités débordantes d’activités créatrices. Des figures géométriques spatiales complexes avaient surgi de sa masse plasmique. Son langage expressif tendait à être la mathématique universellement reconnue dans les systèmes solaires habités. L’océan pensant de Solaris s’adonnait parfois à des exercices cérébraux puissants qui aboutissaient à la présentation d’objets compliqués, tels des mécanismes physico-chimiques, des structures artistiques molaires inouïes. L’océan pensait.

Des formes pensées émergeaient de parts et d’autres de cet encéphale aux dimensions inhabituelles. Le seul résident de l’astre faisait ainsi montre de compétences en technologie.  Les œuvres titanesques avaient eu du sens, pour les observateurs de la Station, toutes ces années durant. Mais si la planète restait muette, ses ondes s’agitaient de temps à autre fébrilement comme dotées de raisonnement, de réflexions mûries et de transe omnisciente. À bord, on avait fini par admettre qu’il y avait quelque chose d’humain sur Solaris.

 

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(Sartorius)

Le premier savant, cloîtré volontaire du reste de la Station orbitale, à ouvrir sa porte au psychologue fraîchement arrivé et si mal reçu, semble néanmoins prêt à faire des révélations d’importances sur le phénomène étrange qui pèse sur le moral des hommes. Sa déduction fait suite à quelques constatations oculaires et  à une profonde analyse personnelle.

Pour Sartorius, le seul habitant de ce monde tente, depuis toujours d’entrer en contact avec les représentants de la Terre. Ses moyens d’aborder le vivant sont stupéfiants. Sans agressivité aucune, l’ « océan » de Solaris usait d’empathie avec la seule aptitude qu’il possédait telle de lire les pensées des humains – sans qu’ils en aient eu conscience.

Solaris reproduisait alors la pensée et la mettait en forme avec toutes les indications physiologiques sui generis possibles. La rencontre trouvait une expression ; la forme pensée se révélait comme le moyen de communication du monstre plasmique à la silhouette océanique.

Sartorius supposait que l’air vicié de l’atmosphère planétaire de Solaris prenait sur le mental du personnel de la Station. De là venaient de récurrentes hallucinations. En quelque sorte, les gaz nocifs de l’atmosphère agressaient le cerveau et entraînaient des états morbides de rêves éveillés compensatoires. Ce qui créa de prime abord la stupeur parmi les spécialistes de la planète et leurs attitudes de doutes et de rejets face à toute nouveauté.

 

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(Harey)

Le psychologue n’avait que ce matériel expérimental du savant Sartorius pour tenter comprendre l’insolite situation de stress à bord. Il pensait que cela ne manquerait pas de lui arriver, s’il n’y prenait pas garde.

Dès la première nuit, un rêve - ou son cauchemar - s’insinua en son cerveau. Le psychologue fit l’experimentum crucis onirique du mirage de ses pensées débridées sous l’effet lénifiant de sa volonté inconsciente qui surnageait sur les flux et les reflux vagabonds d’un subconscient à l’abandon.

Le nouvel arrivant se rêva fusionnant avec le Grand Tout. Une immensité lumineuse omnipotente paisible qui ondoyait comme un placenta baignant, nourrissant et faisait ses propres chairs, lui donnant vie. À la suite de quoi, au réveil, le spationaute hébété sentit qu’il n’était pas seul. Une créature vivante le regardait dormir dans sa chambre de la Station orbitale. Effaré, il dut reconnaître qu’il reconnaissait cette mortelle disparue à la suite d’une autolyse. Elle se prénommait Harey.

 

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(le Petit Apocryphe)

Un apocryphe est un petit document personnel rédigé dans la clandestinité des avis qui font autorités en matières scientifique, théosophique ou philosophique. C’est un ouvrage quelque peu dissident, mais somme toute courageux qui exprime une opinion différente à l’exposition de lumières diverses. Un petit volume du genre existait dans la bibliothèque de la Station orbitale. La bibliothèque est une sorte de centre de documentation qui s’est enrichi au fil des années d’observation de la planète Solaris.

L’auteur de ce bréviaire, un certain Berton, n’est plus de ce monde. Cependant, ses déductions ad aeternam sont des plus précieuses pour leur enseignement.

Deux phénomènes naturels spatiaux ont, visiblement, un impact apparent sur la surface de ce monde aux confins du système solaire. Le soleil rouge a une action tonique directe sur l’océan Solaris. Une éruption à la surface de l’astre solaire, sous forme de taches sombres, indique un changement d’activité nucléaire. Ce qui engendre un élan de dynamisme de la part de la masse plasmique au sol. Une brume s’élève de la mer gigantesque et cache en surface les vagues et les mouvements lents de vie paresseuse. Le brouillard est une partie de l’océan. Il est composé de sa substance épaisse et plasmatique. Techniquement parlant, le liquide se vaporisait en gaz puis, dans un second temps, ce même liquide se solidifiait en solide. L’énergie rayonnante du soleil rouge provoquait une énergie thermique dans le fluide qui conduisait une énergie chimique aérienne et une énergie hydraulique entre deux eaux.

L’évaporation précédait une décontraction mécanique de la masse liquide qui puisait à ce moment dans son limon jaunâtre, une substance matérielle vaseuse pour la conduire en surface sous l’apparence d’une écume jaune. La « chose » se matérialisait alors telle une production gracieuse.

Le savant Sartorius conjecturait comme Bertus, l’auteur de l’apocryphe, que l’océan était capable de capter et retenir les radiations mentales de ses visiteurs puis de les restituer sans discernement à la lumière. Solaris usait de la vase de ses profondeurs comme d’un plâtre. C’était un miracle de la création libre sous la représentation de maquettes aux échelles dépassant l’entendement. Bertus, le rédacteur du petit volume maudit, avait appelé ces effets scéniques aérodynamiques : « Opération Homme ».

Les pensées quotidiennes des hôtes de la planète prenaient tournures, à la grâce de Dieu. Pour les habitants de la Station c’étaient ces facultés télépathiques qui avaient suscité l’émoi général. La molle entité ignorait tout des subtilités de l’esprit des terriens. Solaris était une intelligence à l’état primitif. Rien de cruelle ou de faux n’émanait de ces jeux innocents. L’océan ne renvoyait aux mortels que leurs états psychiques occultés – y compris ceux sous couvert du secret. Le monde-océan était devenu, pour les terriens, un puits de savoir au miroir duquel Narcisse lui-même se serait retenu de plonger pour s’y rejoindre.

Ainsi donc, le soleil rouge avait ces effets dévastateurs sur l’équilibre nerveux des spationautes actuels.

 

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(la conférence)

Le rêve éveillé est un puissant stimulant sur la mémoire des événements oniriques. Le rêve, vécu en tant que rêveur lucide, est le chemin de carreau des mystiques que pratiquaient les hommes de la Terre dans la préhistoire et la protohistoire. Le vol magique des chamans était à ce point précis et revendiqué qu’il était réputé conduire à travers les couloirs virtuels de l’illusion à un monde au-delà du verbe narratif. Le psychologue de la Station orbitale, le professeur Kris Kelvin, vécut cette initiation chamanique, tel un rêveur éveillé attiré irrésistiblement vers la source même de la structure moléculaire atomique. Un pouvoir nu bienveillant lui fit doucement les honneurs de la Maison. Il fallait extraire cet hôte de ses habitudes de vie cloisonnées par des rituels existentialistes ancestrales.

Lors d’une conférence rendu nécessaire pour confronter les positions personnelles scientifiques et domestiques les quatre de la Station orbitale et leur suivant respectif tentèrent un consensus savant et humain sur la question de Solaris – la planète, l’océan, l’intelligence. Pour ces hommes déprimés, l’océan Solaris était la manifestation à part entière de ce que la civilisation nous avait habitués à embrasser dans la prière. Il y avait en-deçà des limites de la structure fondamentale de l’atome, une partie occultée inaccessible encore aux concepts d’organisation et d’intentionnalité du Cosmos. Solaris était le vitrage colorisé feuilleté qui donnait accès directement sur une source centrale émettrice de pensées, et qui agissait de façon déterminée. Les galaxies, les étoiles et les mondes habités ne laissaient guère entrevoir, par leur gigantisme, une telle activité souterraine. Il n’y avait même plus de dimensions disponibles : l’au-delà se confondait dramatiquement dans l’en-deçà la matière solide.

L’océan dolemment appesanti sur son bloc de roches planétaires figurait une ouverture sur le monde tridimensionnel pour répondre aux interrogations des sociétés organisées technologiques et scientifiques. Solaris était un embryon de réponse sibylline. La rencontre était bien le seul moyen pour entrer en contact avec le Pouvoir Nu. Ce qui instituait irrévocablement des intentions pures de la part du monde-océan. La problématique résidait désormais dans la reconnaissance des substrats émotionnels des inconscients et des subconscients. À ce titre, peut-être, Solaris est un marqueur formel des pensées inhibées comme des kystes dans les chairs.

 

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(les monstres)

Sur le monde de Solaris, il s’agissait d’un état mental où tout était concevable. Depuis près d’un siècle, l’intelligence Solaris émettait des réflexes symptomatiques de créativité comme des relances de mémoires inconscientes. Les soleils rouge et bleu de ce système solaire posaient toujours leurs marques sur les flux et les reflux énergétiques qui affectaient Solaris jusque dans ses abysses. La planète émettait en sourdine un bruissement comme un chant murmuré pour se tenir compagnie. Il semblait qu’une activité minimale conservée au sein de cet énigmatique entité - si l’on exceptait qu’elle pût avoir un lieu quelconque avec la Création ou quelque chose d’approchant.

Régulièrement, des formes pensées s’élançaient et se dressaient dans le ciel, le pode ancré dans la masse ambrée du liquide aqueux encéphalique que semblait être Solaris. Le limon jaune est le matériau de base que s’est constitué l’entité pensante sous la Station orbitale Solaris. À son gré, elle en use pour mettre en reliefs ses idées, ses compositions artistiques à visage humain, comme pour suffire à des projets futurs. L’océan a une intelligence et une vie qui l’alimente. De longs frissons parcourraient la surface du monde océanique. Les mêmes frissonnements parcourraient les fonds marins de cette matière blanche comme des lames de fonds majestueuses et rythmées. L’énergie de la vitalité déclinait ses aspects tangibles, même si elles adoptaient des proportions planétaires. La créativité se lisait de façon spectaculaire par le mimétisme des objets captés par les irradiations mentales de l’être pensant où par l’interception des radiations lumineuses des objets inanimés approchant ce monde silencieux.

Parfois, la reproduction échappait à ce cerveau remarquablement doué pour saisir les caractères premiers d’une chose ou d’une idée émergeante humanoïde. La structure manquait de solidité, de compréhension finie, d’informations sur sa nature interne qui amenait quelque chose à être ouvré et façonné de manière aboutie. L’édifice en restait aux seules données comprises et transmises. Ensuite, après un certain temps d’effort de sagacité de l’entité étrange, les sujets se corrompaient, perdant de leur utilité. Le plâtre jauni retombait à la mer, vers le fond limoneux d’où il avait été extrait. D’autres fois, l’ensemble tenait et durait à la satisfaction de tous, hôte et visiteurs.

C’était toujours un jeu, tel un défi de savoir faire, jusque dans les moindres détails capturés par la pensée solarise. L’asymétrie faisait suite à la symétrie parfaite des artefacts. Le génie prenait de l’avance sur l’idée première conceptrice. À n’en pas douter, la mathématique s’exprimait dans ces élans fastueux de créations artistiques. La géométrie et la symétrie en étaient les corollaires expressifs logiques. Même aux yeux des savants, les asymétries semblaient montrer tout le travail de recherche intérieur pour soutenir les bases d’un improbable déséquilibre. Les formes, les tons et les couleurs, les proportions mêmes étaient animées, neuves et charmantes.

 

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(oxygène liquide)

Le professeur Kris Kelvin s’est rendu compte qu’il y avait plus d’habitants que prévu à bord de la Station orbitale Solaris. Chacun est accompagné par une sorte de suivant. Les suivants sont des copies symétriques tangibles issues de l’inconscient des hôtes de la planète. Jusqu’à ces derniers temps, l’océan n’avait guère eu le temps de saisir parfaitement les arcanes de la pensée de ces humanoïdes. Solaris avait progressé efficacement dans son examen du mental terrien…jusqu’à en détacher la quintessence psychologique. Mais là s’arrêtait cette compréhension entre un monde plasmatique métamorphique et un monde biologique.

L’océan Solaris s’était insidieusement montré plus efficace lors du sommeil des humains. Il retirait de l’agencement des songes toutes les techniques et tous les mécanismes en roue libre qu’il mettait à profit pour enrichir son « vocabulaire ». Les savants de la Station s’étaient vus décomposer à leur insu et à leur grand désespoir. Afin d’échapper à ce destin funeste et à la matérialisation de leur plus lourd secret et souffrance, les savants de l’observatoire orbital en sont venus à émettre l’idée salvatrice de faire parvenir à l’esprit Solaris un aperçu de leurs pensées à l’état de veille – ce qui permettrait un tri sélectif parmi les pensées éveillées du moment. Sartorius en avait émis l’hypothétique nécessité. D’autant plus que les suivants baptisés les polythères, avaient la capacité de capter leurs pensées conscientes la journée durant et d’amplifier leurs pensées inconscientes évoquées pendant la nuit, alors que les terriens dormaient. Ainsi Solaris persistait à les mieux connaître. Pour survivre, les derniers habitants de la Station Solaris en étaient aux extrémités : contrôler leurs pensées quotidiennement ou détruire les copies de leur secret le plus intime.

 

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(conversation)

Une mini conférence, en comité restreint eut lieu dans le cadre de la bibliothèque. Les scientifiques échangèrent leurs idées les plus récentes sur le phénomène de duplication matérielle de leurs états d’âme. De la conversation persiste l’idée dominante que Solaris était une créature intelligente dont les pouvoirs rendaient les hommes à la merci d’eux-mêmes. L’océan devenait sans le savoir le miroir de leur méconnaissance de l’espèce humaine. Si les mondes sont explorés, le cerveau demeure une terra incognita. En l’occurrence, la psyché est restée des siècles et des siècles durant, un monde à part l’autre, reptilien et brutal. Si l’Homme est une essence commune dans le Cosmos, ce n’est pas pourtant l’espèce idéale susceptible de représenter l’espèce émérite de l’Univers tridimensionnel. Les suivants en étaient la preuve évidente.

L’humanoïde dominant de la Terre n’avait pas encore atteint le degré ultime de la vertu. Sa spiritualité - marquée du sceau de la faute innée, lui servait plutôt à tourner en dérision les énigmes qui défiaient la raison, qui leur fit tant construire d’accessoires techniques et mécaniques pour remédier à une insuffisance cérébrale, une incapacité de se développer, sans peur de sanction, le muscle cérébral.

Il semble toutefois que le fonctionnement de l’encéphale soit susceptible de modification, de performance ou d’amélioration en vue d’en obtenir l’essentiel. Chez les Terriens, c’était la seule voie inexplorée philosophiquement et scientifiquement à défaut d’inspiration ou d’une rencontre comme la planète Solaris.

La présence de cette intelligence sur ce monde planétaire faisait la démonstration que le cerveau est un organisme suffisamment plastique et habile pour bonifier ses performances de représentations et de cognition avec un environnement exotique inconnu pour se familiariser avec des données informatives nouvelles et durables.

 

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(les Penseurs)

Qu’ont donc pensé les générations de penseurs qui se sont remplacées en orbite autour de Solaris ? Pour que l’Humanité des hommes progressent dans l’Univers, sans doute n’était-il pas suffisant d’étudier de manière exhaustive la physionomie de l’espace. Probablement, était-il davantage profitable d’en approcher la physiologie. L’homme né de l’espace est à l’image de ses matériaux organiques, il s’est éloigné de son essence en parcourant à toutes vitesses les parsecs qui tiennent en équilibre les galaxies. Les penseurs du monde terrestre affectés par cette incongruité matérielle et substantielle avaient laissé à leur postérité leur dernier cri d’horreur à travers le temps et l’espace.

À la différence du crâne qui enserre et protège le cerveau chez le mammifère, notamment, le monde solide et sphérique de Solaris était recouvert en grande partie par ce qu’il fallait reconnaître comme un encéphale sans autre protection que son atmosphère et deux pôles d’énergie, ses deux soleils rouge et bleu au-delà la Station orbitale. Les Solaristes convenaient que la forme ondée de l’intelligence extraterrestre n’empêchait nullement d’avoir bel et bien affaire à une créature sensible, pensante et qui communiquait avec des hôtes inattendus. Les savants et zélateurs de l’époque avaient trouvé l’apparition comme preuve qu’il existait quelque part dans le Cosmos un dessein divin inscrit dans les soubassements de l’Univers, et à plus forte raison dans les infrastructures du monde atomique et subatomique dont les éléments particulaires de la matière atomique sont les pièces fondamentales – un électron globe-trotter, un quark spyro-dextrogyre et un quark spyro-lévogyre.

Le contact avec celui ou celle qui avait engendré la Création était désormais possible. Pour l’heure, Sartorius, Kris Kelvin le psychologue et Snaut leur collègue avaient bien du mal à encaisser la Révélation. Celle-ci se manifestait à leur dépend. Leur subconscient avait été ouvert comme la boîte de tous les dons ouverte par la femme d’Épiméthée (Pandôra), sans ménagement, sans discussion ni tractation préalable envisageable. Le recours était d’étudier méthodiquement le cerveau de Solaris, afin d’établir des analyses suivants le fonctionnement de l’intelligence humaine : électro-encéphalogramme à l’appui – sur le crâne d’un suivant désigné au hasard, parce que c’étaient des êtres dociles et participatifs innocents.

 

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(les rêves)

À maintes reprises, Solaris fit don de l’immensité de sa nature, à chacun des visiteurs sur son territoire, des décennies durant. Rarissimes furent ceux qui en gardèrent le souvenir, sans avoir à la rejeter comme un rêve oppressant. Peu y trouvèrent une clef à tenir pour cheminer de l’avant, vers une explication rationnelle de la nature intrinsèque de l’océan. Un rêve éveillé – non dirigé, est déstabilisateur au réveil car il occupe la partie de la conscience que les médecins spécialisés nomment le raisonnement. Et c’est à force de raisonner que la plupart des occupants de la Station Solaris ont fini par repousser aux confins de leur inconscient le merveilleux contact entre l’énergie créatrice et les créatures humanoïdes.

Sur le terrain des opérations satellitaires d’observations, le monde-océan est soumis, sinon prisonnier, par son exposition à deux Soleils qui diffusent ou qui neutralisent les flux énergétiques thermiques et nucléaires. L’océan était situé au confluent de ces deux puissants projecteurs inhibant ou exaltant les périodes de déclin de créativités ou leur apogée.

Le professeur Kelvin subit à son tour, le contact primitif avec la sphère mentale qu’était Solaris, en ces lieux éloignés de la Terre. C’était aussi éprouvant que d’être à nouveau le fœtus dans le placenta de sa mère. Mais, cette fois-ci, doté de la capacité de mémoriser l’expérience en vue d’un retour intérieur l’organisme humain. Le psychologue évolua, impuissant, dans la matrice océane. L’activité débordante de production d’idées et de formes prégnantes correspondait aux élans du soleil rouge quand le soleil bleu s’était éloigné et retrouvé coupé de son ascendant sur le monde vivant Solaris.

 

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(Victoire)

De cette rencontre, il naquit dans l’esprit du professeur psychologue que, probablement, Solaris avait à voir avec ce que les hommes du sol terrestre pensent être la Création. Un acte gratuit à échelle universelle sans rapport direct avec les créatures des espèces vivantes où que la biodiversité s’expose et perdure. Solaris fait la synthèse structurelle de protéines (schéma géométrique dynamique) pour reproduire au mieux ce qui est perçu (objet ou personne extérieure) ou investi (idée, émotions intérieures).

Le cerveau de l’être vivant ne véhicule que des minéraux, des enzymes, des chaînes protéiques, des molécules, des masses atomiques hyperactives, des chromosomes. L’océan Solaris ne cherchait qu’à comprendre les énigmes de son environnement solaire. Cette intelligence - non artificielle n’avait sans doute pas notion de la provenance des hommes du système solaire et de leur planète Terre. Seulement, Solaris est doué du génie d’adaptation, d’amélioration et de conceptualisation au même titre que la matière grise des mammifères.

Effectivement, il n’y a pas de langage articulé, hormis les architectures spatiales artistiques dont la géométrie spatiale naît d’un concept de relations dynamiques certaines des systèmes formels, c’est-à-dire la science mathématique.

 

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(le vieux Mimoïde)

Solaris est obligé de réguler la dynamique thermique atmosphérique aux tiraillements à sa surface des pôles solaires qui l’embrasent. Outre cette régulation du climat extérieur, l’unique habitant de la planète contrôlait également la dynamique mécanique et hydraulique de sa masse océane jusqu’à savoir en tirer partie pour ses besoins énergétiques propres. Pour la Station orbitale, Solaris ne servait à rien. C’était une sorte d’entité magnifique sans corps dont la situation planétaire était sans issue. Un dieu imparfait qui n’aurait rien d’autres à faire qu’à imaginer des mondes sans cesser.

Solaris était tout simplement en attente de nouveautés, que quelque chose passe à sa porté pour y adhérer afin d’évoluer un tant soit peu. En dehors de cette matière plasmique, Solaris était vraiment incapable de se libérer de ce système à deux soleils chaud et froid. À moins, peut-être, que le Grand Tout dont il est l’accès béant, ne songe percer la troisième dimension en quelques autres endroits dissimulés, plus rapprochés et plus accessibles pour d’autres créatures vivantes plus évoluées, plus disponibles, moins renfermées sur elles-mêmes, pour se faire reconnaître d’elles.

Solaris était bien la rencontre inattendue avec un miraculeux potentiel de création au-delà de la forme humaine.

 

Conclusion

Dans son roman d’anticipation, le romancier polonais Stanislas Lem met en scène deux protagonistes principaux : une civilisation technologique aux aspirations de conquête de l’espace et une pensée matérialisée dans la troisième dimension en attente de tout ce qui pourra nourrir et enrichir sa perception de l’état actuel et factuel du Cosmos. La civilisation est incarnée par une kyrielle de personnages aux caractéristiques très diverses. Le monde océan est représenté par un habitant aux caractères insolites. L’océan Solaris est unique dans l’univers des hommes. Leur rencontre ne peut se faire que physiologiquement. La communication entre ces deux entités dissemblables ne peut s’établir que par le savoir-faire de l’un et l’autre des deux acteurs sur le terrain. La reconnaissance au statut d’intelligence raisonnée des deux parties en présence est fortuite.

Stanislas Lem s’inquiète que l’humanité des hommes ne soit à la recherche que d’un semblable dans ses parages afin de se convaincre que son émergence et la multitude correspondent à ses croyances ancestrales d’un destin orchestré par une puissance invisible faite à son image. L’Homo Sapiens Sapiens explore les étoiles à la découverte d’une « Opération Homme » dont il serait la finalité sans rival.

Solaris contrecarrie ces plans simplistes d’enfants attardés. L’océan dément une telle finalité et propose un repositionnement naturel de la conscience d’exister dans un contexte aussi démesuré qu’un univers à trois dimensions d’espace et une dimension de temps. Cette œuvre d’imagination est une allégorie de la vanité des hommes transportée en d’autres sphères jusqu’au jour où il y eut une rupture. La civilisation n’avait véhiculé en d’autres lieux d’existence (parfois aussi exigus qu’une Station d’observation orbitale) que ses propres suffisances et ses propres fantasmes.

Le monde vivant de Solaris est un monde qui témoigne de la psyché du mortel. Solaris a pour fonction déterminante d’éclairer l’humain sur ses couches intérieures abyssales. Ce qui le préoccupe doit être résolu. Ses obsessions doivent être désincarnées. Les systèmes de pensées de l’hominien terrestre – car il n’y a que des mâles au tribunal de l’histoire romanesque de Solaris, sont des systèmes pervertis d’amour sans issue. Chaque mortel porte en lui le fardeau, non pas d’un dieu bienveillant, mais d’un démon accusateur à la face d’ange. L’amour pour un parent, pour une épouse, pour une amante est vécu sous le crâne des hommes comme autant d’amours invaincus, inavoués et tyranniques.

L’homme, en tant que représentant autoritaire d’une espèce animale, n’est pas la forme finie de la vie dans le Cosmos. D’ailleurs, la vie a-t-elle besoin d’une forme achevée pour s’exprimer ? Ne faut-il pas plutôt regarder du côté de l’intelligence de la pensée ? Dans le roman de Lem, Solaris se met en phase avec les idées des savants quelles que soient leurs disciplines d’excellence. Il en rejaillit toujours des inquiétudes, des états émotionnels du passé qui corrompent les raisonnements et les états de conscience. Solaris montre posément où il faut agir. Il faudrait maîtriser ses propres pensées, en canaliser la puissance énergétique et en déterminer les formes anoblies et positivement sereines. Les trois savants de la Station orbitale au-dessus la planète sont les derniers à y séjourner avant de revenir sur Terre. La Station Solaris doit être destituée de sa fonction d’observation après un siècle d’utilisation. Le tout dernier message de ces hommes au cœur éprouvé qu’il reste à apporter à leur monde est celui d’un univers conscient de leur importance et de leur faiblesse. Si les humains souhaitent, un jour prochain, rencontrer leur pendant créateur, il leur faudra d’abord le concevoir dans leur pensée en se débarrassant des agrégats inconscients et subconscients nés de mémoires collectives et individuelles pesantes et incapacitantes.

 

En supposant la présence de Solaris comme une révélation libératrice faite à l’humanité, ce qui peut être perçu également dans ce roman de Stanislas Lem tiendrait en ce que l’Univers est une pensée vivante créatrice discrète qui octroie à ses sujets de rêverie un peu de liberté et de libre arbitre. Viendra peut-être une époque où Ce qui engendra la Création mettra de l’ordre dans ces mondes habités afin de se retrouver enfin.

En bref, le roman Solaris fait la narration de la rencontre rapprochée d’un type particulier entre l’Homme, une créature, et l’Incréé, une substance énergétique cognitive.

 

Ceci amène à indiquer deux autres références de la littérature d’anticipation classique.

 

Le piège de lumièreLe piège de lumière de Max-André Rayjean aux éditions Fleuve Noir dans la collection Anticipation, n°815 (1977). ISBN : 2265004782

 

 

 

 

 

FlatlandFlatland : A Romance of Many Dimensions d’Edwin Abbott A., publié en 1884. Ce roman est connu des mathématiciens et des étudiants en sciences des logiciels et de l’intelligence artificielle. Il est notamment reconnu d’utilité public pour accéder aux concepts philosophique et mathématique des autres univers vituels. 

 

© 05 août 2008. Francis Corsa.

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 09:42

Paul Henri Corentin Féval

(1816 – 1887)

 

La France, dit-on, est un pays de cultures celte et gauloise située à la partie ouest du continent européen. Sa forme géométrique hexagonale lui en a laissé son référent le plus populaire : l'Hexagone. La France métropolitaine est administrativement partagée en régions, puis ces régions en départements. L'Ille-et-Vilaine est un de ces départements.

L'Ille-et-Vilaine doit son patronyme à deux rivières qui coulent sur son territoire : l'Ille et la Vilaine.

 

Paul Féval, dit Féval père, est né à Rennes, chef-lieu du département d'Ille-et-Vilaine. Le dimanche 29 septembre 1816 semble la date la plus souvent admise à laquelle naquit le petit Paul, Henry Corentin au sein d'un appartement breton cossu du XVIIIe siècle, 6 rue du Four du Chapitre, au deuxième étage du majestueux Hôtel  de Blossac. Enfant naturel, le petit Paul est né d'une noble bretonne Le Baron, Jeanne, Joséphine, Renée et d'un père champenois né à Troyes, Jean, Marie, Nicolas Féval, conseillé à la cour d'Appel de la ville de Rennes. La famille Féval Le Baronsera une grande famille composée de cinq garçons et trois filles.

Bien que noble et nantie d'une charge à la Cour Royale de la ville, les Féval vivaient modestement de revenus à peine suffisants pour entretenir madame-mère, trois filles, deux fils. Le nouveau-né fut mis rapidement sous la Sainte protection de la Divinité, en la basilique Saint-Sauveur. Par le baptême, au moins, Paul Féval devenait membre confessionnel de la communauté judéo-chrétienne.

    En eût-il conscience sa vie durant ?

 

    Sans doute, oui, puisque ses racines culturelles s'exprimeront dans le cœur d'un homme épris de purification morale lors d'une « reconversion » cultuelle, aussi soudaine qu'inattendue, au prix de ses biens matériels terrestres. De componction fragile, Paul fut entouré d'intentions familiales affectueuses ; les femmes de la famille, bien que d'aisance modeste, ne cessèrent de lui prodiguer des soins attentifs. Cette santé fragile aura souvent des effets néfastes sur sa vie de jeune homme, puis d'adulte (pauvreté matérielle, misère, famine…), contrebalancées par de providentielles protections féminines charitables et pieuses qui, sans cesse, recentreront Paul Féval sur le chemin de sa juste destinée.

 

    Né sous la seconde Restauration des Bourbons, lors du règne de Louis XVIII, la monarchie nourrissait les rêves de romantisme de l'enfant qu'il était. Mais, en 1827, alors qu'il n'avait que onze ans, son père disparut, laissant la famille Féval-Le Baron dans la gêne financière, ne vivant alors que par la grâce d'une pension honorifique versée par l'épouse de Charles X. L'année précédente, en 1826, Paul Henri Corentin avait été inscrit au collège royal grâce à une bourse d'étude.

    L'enfant fut mal accepté parmi ses condisciples du collège. On le trouvait de mauvaise facture, maladif et de caractère péniblement sujet aux sautes d'humeurs qui l'isolèrent peu à peu. Les dix ans de Paul s'exprimèrent par une rêverie refuge, une lecture toute centrée sur un romantisme « échevelé », mélo‑dramatique, populaire, tout à l'opposé de son caractère dolent et capricieux. Les auteurs à succès de ce premier quart du dix-neuvième siècle restent parmi les plus lus de leur temps : le posthume Ducray-Duminil, Pigault-Lebrun ou autre Bernardin de Saint-Pierre.

    La Bretagne semblait capable d'imprégner durablement l'esprit vagabond et fiévreux du jeune orphelin. L'Armorique est une contrée de légendes, un terreau nourrissant une culture séculaire où le fils Féval puisa les impressions encore neuves et diaphanes des identités chevaleresques et aventureuses à immortaliser. Cette terre armoricaine, vampire et séductrice des esprits jouvenceaux, posait paisiblement son voile de chouannerie magique sur un imaginaire en quête d'aïeux solides et reconnaissables. Nul n'échappe à sa destinée.

 

    Le jeune Féval subissait, dans ces épreuves douloureuses de deuil, la forge mordante et silencieuse d'un cœur battant et d'une conscience qui s'anobliraient par le truchement du temps. Ces dix premières années se présentèrent sous de mauvais hospices : santé délicate, mort d'un père, gêne financière. Le climat social était fébrile et la politique de Charles X impopulaire. La situation familiale des Féval était devenue des plus incertaines. Paul grandit bon an mal an.

    Que réservaient à cet enfant les décennies prochaines ? Quels milieux humains et institutionnels allaient se prêter au jeu de son identité de futur homme ?

 

    Tout d'abord, les 27, 28 et 29 juillet 1830 furent appelées « les trois Glorieuses ». Trois journées qui mirent fin au règne de Charles le Dixième. La monarchie de juillet était une petite révolution dans le paysage politique de ce premier tiers du dix-neuvième siècle. Louis-Philippe 1er fut proclamé : « roi des Français ». Ainsi débutait le gouvernement des Bourbons-Orléans. Étonnant sursaut de l'Histoire qui rendait dès lors possible une affirmation de la bourgeoisie commerçante et financière au sein des décisions économiques et de la politique sociale.

       Ce fut ce moment pathétique qui galvanisa l'énergie ensommeillée de Paul Henri Corentin Féval Le Baron pour affirmer ses choix émotionnels et filiaux, en se proclamant de cœur avec les partisans de la branche aînée des Bourbons, le comte de Chambord, attaché à une monarchie traditionnelle et une religion judéo-chrétienne forte et omniprésente. En exhibant la cocarde blanche dans les rues de Rennes, le collégien de quatorze ans se signalait en faveur du pouvoir en place.

       D'où lui venait cette audace, sinon de sa naissance noble ? Cette année passée, où il vécut dans un refuge au contact de chouans conspirateurs, marqua-t-elle le cœur en attente d'appartenance d'un jeune de treize ans sous tuteur légal ?

 

       On pourrait croire, tout du moins, que cette expérience excitante eut la force d'imprégner l'esprit romanesque du jeune breton. Ce dernier fut en proie au réalisme cru d'avec le folklore de sa terre natale. L'atmosphère de la nuit, le sceau du secret, la croisée des destins, les longs vêtements sombres, les armes blanches sur lesquelles l'on prête serment : que d'impressions fortes créées dans l'imaginaire, sans cesse en quête d'instants, d'images fortes et durables à jamais imprimées en l'esprit de cet adolescent de si délicate constitution. 

Mais quel prix à payer pour exprimer en homme des choix librement consentis. Ses condisciples du lycée royal de Rennes qui exprimaient des opinions opposées libérales lui en signifiaient l'aversion. D'isolé au collège, parce que déjà peu populaire pour ses caprices et sa dolence, Paul Féval devint l'objet d'une vive animosité au lycée. Ce qui obligea l'autorité de tutelle du lieu de faire appel à sa famille pour qu'elle consente à le retirer de l'école. Du coup, le château de son oncle par alliance, à Cournon, lès Redon, devint le cadre d'un séjour forcé mais surtout le théâtre quasi journalier d'une vraie existence patriotique.

Paul retrouva la santé au climat sain familial et campagnard. Ces vacances eurent une influence curieuse mais légitime sur sa décision avouée d'embrasser la vocation… d'écrivain.

Qui peut imaginer les réactions et les sursauts d'une mère et de sœurs, ainsi que des autres composantes de la famille Le Baron, qui lui rêvaient, secrètement, une autre carrière. Né au sein d'une famille de magistrats royaux, bien que peu fortunée, Paul Féval s'égarait en montrant peu d'attachement au destin communs des siens.

 

« Que disent ses parents ? », ils se regardent.

 

Le jeune rennais dont nous suivons les traces depuis sa naissance va acquérir, à 17 ans, ses premiers lauriers, à forte valeur sociale. Paul Féval s'apprêtait, en effet, à soumettre ses études secondaires à une ultime sanction, le baccalauréat. 1833 marquera l'année de son obtention du bac. Ce diplôme l'amena ensuite à s'inscrire en Droit, à la Faculté de la ville conduit par son entourage. Studieux par nature, il obtint dans les trois années réglementaires une Licence de droit. Sous l'œil vigilant d'une famille aux abois et omniprésente, sous l'autorité persuasive d'une mère opiniâtre, Paul finit par consentir à cette « tradition » filiale qui consistait à devenir Officier civil investi d'une grande compétence juridictionnelle. Il endossa donc la robe (en qualité) d'avocat, non sans avoir prêté serment d'une main tremblante. L'esprit n'y était pas.

Ses futurs déboires d'auxiliaire de justice débutant furent mémorables et se contèrent dès lors de bouches commères à oreilles commères bretonnes. Cette épreuve douloureuse marquera de son sceau indélébile le cœur du jeune avocat Féval.

Pensez votre première plaidoirie à 19 ans s'avérer être un mordant échec ! Maître Féval eut à défendre la cause du sieur Planchon, un alerte voleur de poules. Surmontant mal ses troubles intérieurs et de passagères difficultés d'élocution qui le rendaient ridicule, comme l'eût été l'orateur Démosthène en son temps, maître Féval, à l'harangue pitoyable et bredouillante, se vit défendu dans sa gène d'expression et de clarté d'exposé par son voleur de poules devenu bougre. La perte de ce premier cas, Planchon fut, hélas !, condamné, le dégouta un temps de la pratique de la loi. En août 1837, Paul Féval, eut suffisamment de talent, toutefois, pour braver l'ascendant maternel et fit connaître sa décision de s'éloigner de sa Bretagne natale pour gagner la capitale des français… sans pour autant livrer son arrière-pensée qui consistait à suivre cette voix intérieure qui l'inspirait depuis quelques années déjà.

La déconvenue rennaise de Paul tiédit. Il lui restait seulement l'envie de répondre aux attentes de la famille Féval-Le Baron. Maître Féval montra un sursaut d'orgueil en songeant à son défunt père.

Nouvellement venu à Paris, le jeune avocat s'était orienté sitôt pour parfaire son éducation vers des études de droit du commerce. L'hypocrisie des banquiers de l'époque et le jeu perfide des commerçants étaient tellement établis que maître Féval finit par en tomber la robe choqué par ces mœurs liées à l'argent. Il avait tenu deux mois.

 

Débuta alors une période d'ascétisme forcée et de mortification involontaire. Porté par le besoin de survivre dans cette contrée exotique, le jeune enfant s'efforçait tout à la fois de cultiver son goût pour la lecture et d'expérimenter l'écriture à compte d'auteur, ainsi que d'exploiter sa disponibilité pour exercer un métier. Loin de la chaleur familiale, dans une mansarde de la rue de la Cerisaie, près de la Bastille, ce furent là des années noires de misère affreuse, tant sur le plan physique que moral.

Pourtant, le futur feuilletoniste et nouvelliste expérimentait divers métiers de plume. De plus, de Rennes, sa famille veillait à sa sécurité, en faisant intervenir certaines relations catholiques et nobiliaires. Quelques lettres d'introduction s'offrirent à lui ouvrir les portes de quelques journaux. Déjà, La Législature, Le Parisien, La Quotidienne, La Lecture, La Revue de Paris, Courrier français, La France Maritime furent des providences qui reçurent soit sa visite soit ses courriers et manuscrits. Le fiévreux jeune écrivain travaillait à se faire une place dans les lettres.

Cela faisait tout de même quatre ans que Paul Féval s'était installé pauvrement dans la grande ville. Son penchant pour la lecture le rendait parfois coupable de manquer à ses devoirs professionnels. De fait, un banquier irascible qui l'avait embauché quelques mois plus tôt finit par le renvoyer pour négligence et sous l'accusation facile de vol répété d'un livre de Balzac qu'on reprochait à Féval de lire sur le lieu de son travail. Cette vie terne côtoya un peu de poésie, tout de même, en la présence secourable d'une bonne voisine qui s'émut un jour de le retrouver mourant de faim et de froid sous le comble où il gisait sans force. Elle s'en occupa charitablement. Paul vécut alors son premier amour romanesque sincère.

En ce début de dix-neuvième siècle, l'écriture de ce breton de naissance véhiculait inconsciemment les trames touchantes de vies imaginaires où la chouannerie était le ressors dynamique de toutes histoires de l'époque.

Son embauche au journal Nouvelliste en qualité de correcteur d'orthographe ouvrit un peu d'avantage son horizon et permit au jour de faire passage. Quelques manuscrits sous forme d'histoires courtes qu'il signait hardiment de son patronyme furent éditées dans des publications parisiennes. Ainsi, le Club des phoques dont Saint-Malo est le décor, fut publié dans La Revue de Paris, en 1841. Ce qui attira l'attention des directeurs de journaux et lui conféra une certaine notoriété.

Paul Féval, à la plume prometteuse, semblait avoir su faire ses preuves et acquérir par la même le statut social rêvé d'écrivain. Dès lors, après s'être fait remarquer par des patrons de presse, les histoires courtes de Féval trouvèrent un écho favorable parmi un public de fidèles. Les contrats se succédèrent. L'argent permit à l'auteur de revivre, sans aisance sûrement, mais dans une sécurité retrouvée. Un placier en littérature sut exploiter ce succès naissant pour porter le jeune homme méritant à la gloire, tout en permettant à ses journaux parisiens : L'Époque et Courrier français, dont il était le directeur, d'augmenter leurs tirages et de moderniser ces entreprises journalistiques. Anténor Joly était littérateur et directeur de feuilletons (on lui doit notamment la création du Théâtre de la Renaissance), il suivit Paul Féval, l'intégra peu à peu dans les colonnes de ses quotidiens, comme chroniqueur à la tâche.

Sur la seule période de trois ans, plus d'une vingtaine de manuscrits parurent dans des journaux et sous forme de publications en volumes par d'authentiques contrats d'éditeurs parisiens ou limougeauds. De nouvelliste, Paul Féval semblait plutôt s'orienter vers une carrière de feuilletoniste. Les épreuves de la vie étaient passées, les épreuves de ses manuscrits s'imposèrent à demeurer.

 

Entre le vingt décembre mil huit cent quarante-trois et le douze septembre mil huit cent quarante quatre, un mystérieux sir Francis Trolopp signait un feuilleton qui parut dans les colonnes du journal Courrier français. Ce prétendu anglais apparaissait comme le concurrent le plus direct des récents mystères parisiens. On disait même que l'anglais entretenait une correspondance privée avec Eugène Sue, auteur des fameux Mystères de Paris.

 

À la dernière minute, Anténor Joly avait passé commande à Féval la tâche malaisée de remanier un roman-feuilleton qu'un très grand nombre de lecteurs avertis attendaient déjà (servis sans doute par une campagne publicitaire qui devançait le lancement du nouveau titre). Il s'agissait de la pièce maîtresse de l'œuvre inachevée de G.W.M. Reynolds, sujet britannique et auteur à la mode qui couvrait les colonnes d'un quotidien londonien.

À l'origine, l'œuvre de Trolopp aurait du être la version française des Mystères de Londres de Reynolds, mais le remaniement s'avéra difficilement publiable sans retouches. Sur les conseils de son découvreur, Paul Féval, alias sir Francis Trolopp, s'en était allé vivre quelques mois Outre-manche, suivi par une escorte de collaborateurs  polyglottes, afin de s'imprégner de l'atmosphère londonienne, sans pour autant parler lui-même un traîte mot d'anglais. Il s'agit en la matière d'une magnifique fresque des bas-fonds londoniens. Cette fresque conte encore les aventures d'un émigré irlandais, Fergus Breane, qui lutta à sa manière contre les inégalités sociales de son temps. Le dandy fashionable Rio-Santos, le marquis de Rio Santos, devint vite le meneur d'un ordre criminel sous-terrain : les Gentilshommes de la nuit.

De ce travail d'observation sur place naquit un véritable talent de composition réaliste littéraire. Les Mystères de Londres eurent un succès immédiat, tant qu'il s'en suivit plus d'une vingtaine de parutions successives et de traductions en diverses langues. Ce qui valut à son auteur la renommée un peu enthousiaste de « roi du feuilleton».

 

Paul Féval avait toujours espéré être un auteur reconnu. Il avait moins de 30 ans. C'était chose faite. Les romans à feuilletons à l'époque des Mystères de Londres furent assurément les œuvres de grands auteurs. Eugène Sue publiait Le Juif errant. Alexandre Dumas père laissait à la postérité les Trois mousquetaires. Paul de Kock restait dans l'ombre malgré son Sans cravate ou les commissionnaires.

Mais n'était-ce pas là un genre où l'auteur breton risquait de se voir cantonner malgré lui ?

 

Quoi qu'il en soit, le roman fut mis sous presse dès le 11 novembre 1844, sitôt la diffusion du feuilleton achevée. Ce fut un succès à échelle européenne. Pour l'exemple, entre les seules années 1844 et 1850, le roman en version espagnole des Los Misterios de Londres dut être réédité plus d'une trentaine de fois. Du territoire ibérique à l'Amérique latine, le nom de famille de l'auteur rennais se latinisa à l'espagnol pour devenir Pablo Feval, ne perdant dans l'échange culturel que l'accent aigu français.

L'histoire des romans de colportages nous enseigne que les lettrés de la bourgeoisie espagnole faisaient venir de France la plupart des œuvres que fournissait Pablo Feval. Dans le même temps, ce texte majeur que constituait les mystères londoniens fut publié en Barcelone, à Cadix, Malaga, Séville et autre Valence.

Désormais, le nom de Féval figurait parmi les auteurs les plus réputés et les plus respectés tels Alexandre Dumas père, Eugène Sue, Honoré de Balzac, Victor Hugo, Théophile Gauthier, Alphonse de Lamartine, le vicomte de Chateaubriand ou Frédéric Soulié.

Paul Féval n'arrêta plus l'activité littéraire. Celui qui, dans sa prime jeunesse s'était montré si conservateur s'était converti pourtant en libre penseur dans ses tableaux feuilletonesques.

Ses courriers avec Eugène Sue nourrirent-ils un feu intérieur révélateur ? On sait bien que, fidèle à la tradition des mystères urbains aux intrigues privées sur fond de peinture social, Marie-Joseph Sue était plutôt d'aspiration socialiste dans ses compositions littéraires.

 

Avec les Amours de Paris en 1845 et Quittance de minuit, l'année suivante, qui furent des réussites commerciales, Paul Henri Corentin Féval devint riche et l'une des figures centrales de la littérature populaire du moment. Il menait grand train déjà. Il entreprit de faire l'acquisition très remarquée de chevaux anglais afin de constituer une écurie.

Pour compenser la fatigue de l'écriture, il pratiquait la marche à pied et l'exercice physique. On le croisait dans les rues parisiennes dans ses vêtements aux coupes simples mais aux étoffes choisies. On le reconnaissait à son teint frais et à sa corpulence ramassé mais agréable. Dans l'intervalle, l'homme de lettres avait apprit la langue de Shakespeare et l'espagnol qu'il maniait déjà avec facilité. Son goût pour la lecture en avait fait un érudit.

Tout ce talent, toute cette notoriété, il les mit au service de la cause des Lettres ; bien qu'il fasse parti de ceux que les critiques appelaient, avec un rien de mépris jaloux, « les romanciers populaires ». Si son succès s'accroissait, il convient de reconnaître qu'il le condamnait à demeurer un feuilletoniste de la première génération. Un Sainte-Beuve visionnaire en avait eu l'amère intuition lorsqu'il écrivait en 1839, un article plein de dépit sur ce qu'il surnommait « de la littérature industrielle », dénonçant une infralittérature publiée dans des rubriques de rez-de-chaussée.

Avait-il tort, avait-il raison ?

 

Féval œuvrait d'un cœur sincère pour que fût reconnu le genre romanesque, pour que l'écrivain vive de sa plume, pour qu'il ait un statut professionnel et à l'avenir d'équitables futurs droits d'auteur. Comment douter de la force de cette destiné formidable qui avait patiemment mûrit en silence. La littérature de divertissement fut une manne pour le travailleur infatigable qu'il était. La journée, il rédigeait sans relâche près de douze heures d'affilée. Il était capable de fournir à la publication  quatre nouvelles à la fois.

Les années passèrent. Ses œuvres s'alignaient tranquillement sur la liste heureuse des titres marquants. Citons entre autres : La forêt de Rennes (1843) ; Les Amours de Paris (1845) ; La Quittance de minuit (1846) ; Le fils du Diable (1847) ; Alizia Pauli (1848). Ce feuilleton : Le fils du Diable, publié en 1846, diffusé en volume en 1847, digne de la tradition du romantisme noir, va accroître nettement sa popularité. Cependant, le roman feuilleton n'était pas le seul genre littéraire où l'auteur rennais exerçait ses dons d'écriture et conquît ses lettres de noblesse. Les contes (bretons) trouvèrent en Féval un fervent défenseur de la tradition orale et écrite.

Du roman historique naquit deux genres qui devinrent rapidement majeurs : le policier, que l'on doit notamment à un autre précurseur : Émile Gaboriau, avec L'Affaire Lerouge (1864) et son personnage phare : le détective Lecoq(c), et le roman de cape et d'épée. Deux styles et deux techniques littéraires qui allaient connaître dans un avenir proche les plus fabuleux tirages de presse. Sans doute poussé par une actualité politique sur toile de fonds européenne qui vint bouleverser le décor institutionnel et social français, Féval tendit à s'imposer dans ces deux genres naissants comme l'un des maîtres incontestés du roman d'aventures de cape et d'épée.

 

 

 

Le paysage européen devenait fébrile ; les nations montraient des signes d'effervescence. Les peuples d'Europe vivaient d'intenses mouvements intellectuels libéraux tentant d'abolir les liens serviles établis de longue date par les successives classes dirigeantes. Le « Printemps des peuples » de 1848 succéda à une énième révolution française. L'Italie, l'Autriche, l'Allemagne et la Bohème, ainsi que la Sicile et la Sardaigne suivirent tour à tour les événements que le peuple français semblait avoir tracés. Les seules journées des 22, 23 et 24 février 1848 virent l'abdication de Louis-Philippe (au 24 février) pour proclamer la IIe République. De retour de Londres où il s'était exilé, Charles Louis Napoléon Bonaparte fut élu à la présidence de la nouvelle république. Le 10 décembre 1848, Napoléon III fit changer de couleur le terreau de la nation… de saveur aussi.

Les esprits pensants s'adaptèrent, trahissant quelques flottements douloureux et des mutations d'engagement implacables. Paul Féval se sentit, soit en odeur de sainteté, soit en verve quand il s'attabla devant l'angoissante feuille blanche pour y aligner de son écriture prolixe son 24 février. Une tentative d'adaptation de cette œuvre au théâtre eut peu de succès pourtant et n'obtint pas l'écho souhaité.

Travailleur très tôt engagé, il osa s'instituer journaliste dans l'optique réfléchie de fonder en précurseur, dès le mois de février un journal intitulé : Le Bon sens du peuple et des honnêtes gens. L'été suivant, il réitéra l'exploit de juillet à septembre dans l'Avenir national. Précédant ainsi Jules Ferry avant qu'il eut son heure de gloire gouvernementale en 1869, Paul Féval revendiquait déjà dans ses journaux intimes l'instauration d'une instruction pour les enfants obligatoire et non payante.

Si Eugène Sue fut quasiment accusé d'avoir incité le peuple à se révolter, par ses investissements littéraires, on pût blâmer Féval regretter d'avoir amener les lecteurs à prendre conscience de leur sort peu enviable par la lecture de ses feuilletons aux idéologies généreuses. Dumas père, Ponson du Terrail, Féval lui-même, auteurs d'épopées romanesques, étaient des personnages illustres qui côtoyaient l'intimité du pouvoir qu'incarnait le second Empire naissant. Paul Féval, pour sa part, devenu un libre penseur, était d'un naturel joyeux et crédule.

À l'avenir, ses récits feuilletonesques allaient s'inscrire selon une directive conservatrice bonne inspiratrice dans un style classique quelque peu figé. L'homme de lettres s'y tint sa vie durant.

Était-ce là un carcan que s'était imposé Paul Féval ?

 

Pendant quelques années il travailla à créer personnages sur personnages, titres sur titres, s'intéressant à tous les genres littéraires confondus. S'il ne délaissait pas la publication sérielle rémunératrice, il composait néanmoins en parallèle des récits romanesques à un louis le petit livre, des pièces de vaudeville à cinq francs l'acte, des ouvrages historiques à cent francs le volume et d'innombrables contes pour tous les publics (adultes et enfants sages). D'aucun affirmait même que sa maîtrise des langues étrangères lui autorisait la traduction facile en français de documents rédigés en espagnol. Pour écrire, il avait fait l'acquisition d'une petite table de bois, style Louis XIII et d'une belle chaise en bois.

Paul avait un frère aîné, en la personne d'Auguste Marie René Féval. Celui-ci décéda en 1849. À la mort de ce dernier, un autre des frères de Paul, Édmond, revint avec sa famille d'île Maurice où il s'était marié. Il acheta le manoir de l'Abbaye (dit Châteaupauvre), libre depuis 1844, à la fin de l'automne 1849.

 

1850, triste siècle… Balzac se meurt.

 

Féval produisit de 1848 à 1854 inclus, près de quarante titres dont les plus volumineux comportaient plusieurs tomes sous plusieurs volumes de trois cents à quatre cents pages chacun. Les capitales française et belge : Paris et Bruxelles se sont partagées ingénieusement les publications francophones des ouvrages de l'auteur productif. Les plus prisées de ses œuvres de caractères sont encor aujourd'hui : La Pécheresse, Mademoiselle de  Presme (1849) ; La Fée des Grèves, Beau Démon (1850) ; Les Parvenus, Le Château de Velours (1852) ; Le Tueur de Tigres, À la plus belle, Le Capitaine Simon (1853) ; Roch Farelli, Blanchefleur, La Bourgeoisie et les Cinq Auberges (1854), en autres titres injustement oubliés sur l'heure.

Les œuvres de Féval furent dès lors compilées par les éditeurs parisiens : H. Boisgard. C'est dire que sa plume n'était pas en jachère. Tel un Dumas père ou un Sue, Féval s'affichait volontiers dans le monde, notamment lors des premières de ses dramatiques. Sa réussite prenait de l'ampleur de façon régulière même s'il faut mettre un bémol à ce succès. À l'exception d'une seule œuvre magistrale qui restait encore à naître de sa plume fine et féconde, toutes les adaptations sur les planches de ses romans ou drames furent de modestes tentatives qui paraissaient ne pas refléter vraiment l'idée que ses lecteurs ou gens de lettres se faisaient de cet auteur.

Ce fut à croire qu'il était, sous l'Empire, gentiment méprisé de l'élite intellectuelle. Néanmoins, il ne fut pas la cible des gens de plumes, comme Sainte-Beuve l'eût fait, et la classe politique qui s'en prenaient plutôt, fin des années 1840, au genre commercial « feuilleton » en tant que genre. Cette navrante littérature populaire était en réalité attaquée pour blâmer Balzac, Dumas, Sue dont l'étoile ternissait à toucher le genre vulgaire, pour qui d'autres vrais talents étaient réputés. Féval fut-il si peu estimé de ses pairs ? Lui, plus lu que Balzac, le rival d'Alexandre Dumas. Qu'importe, ce fut un grand nom de la littérature populaire française du dix-neuvième siècle.

L'homme approchait la quarantaine. Il s'était fatigué à écrire douze heures par jour, capable de rédiger quatre jours d'affilés, enfermé, pour fournir ne serait-ce qu'un gros volume in-8° (octavo).

Depuis son enfance, Paul Féval était un être délicat, sensible, primesautier aussi. Une histoire d'amour qui se terminait mal et le voici chagrin et déprimé. Il avait terriblement besoin d'amour et de soins infirmiers.

 

Un jour, alors qu'il se sentait accablé, il se rendit au cabinet médical d'un homéopathe, le docteur Pénoyée. Ce dernier le prit un peu à sa charge et s'évertua à le guérir de sa dépression nerveuse. Le médecin avait une fille de vingt ans, Marie Pénoyée. Si le premier garantissait les soins du corps, la seconde permit les soins du cœur. En 1854, Marie offrit sa main au futur père de ses huit enfants. L'un d'eux naîtra en 1860 et portera le prénom et le nom de son écrivain de père. Le couple alla s'installer au 138 de la rue du Faubourg Saint-Denis.

On l'avait compris, Paul Féval pratiquait bon nombre de genres littéraires, du roman feuilleton en passant par le récit de cape et d'épée jusqu'au roman policier avant l'heure. Il connut la consécration pour le Bossu qui parut en 1857 dans le journal Le siècle. Ce fut véritablement l'œuvre fabuleuse qui lui permit de passer définitivement à la postérité. Ce mélodrame fameux de cape et d'épée sera d'ailleurs porté sur les planches de toutes les scènes de France dès 1862. Le cavalier " bossu " Henri de Lagardère, dont le passionné accent fut marqué jusqu'à nos sociétés modernes dans d'effervescentes interprétations filmiques.

Le type du héros de fiction qu'incarne Henri de Lagardère marque l'existence d'un preux chevalier qui entraîne le lecteur dans ses diverses aventures " cavalcadantes ". Voilà la trame bien ficelée d'une histoire privée où l'amitié, la loyauté puis l'amour tiennent une très grande place.

Mais pourquoi donc Féval usa-t-il de son deuxième prénom pour créer son personnage le plus illustre ? L'auteur avait-il besoin d'être considéré comme un personnage flamboyant et rusé et très attachant ? Avait-il si peu d'assurance sous le régime autoritaire du second Empire ?

 

Henri de Lagardère eût sans doute pour fonction d'être le film révélateur du visage trop mal connu de l'écrivain. Toutefois, de nouveau, victime de sa propre célébrité, ledit récit romanesque de moins de 140 pages, véritable quintessence du roman de cape et d'épée, occultera par la suite la plupart des autres œuvres de ce prolifique romancier populaire.

L'année 1857 vit la publication des Compagnons du silence qui luttait à force égale sur le terrain de l'édition avec Les Drames de Paris de Ponson du Terrail, Le Roi des montagnes d'Édmond About. Auteur devenu à la mode sous l'Empire, Paul Féval rivalisait avec le père de Rocambole, avec le posthume créateur génial de la fresque La Comédie humaine, égalisait sans gêne, pour les tirages de presse, avec les Alexandre Dumas, Sue ou About.

Dès l'année qui suivit, la parution livresque du Bossu : aventure de cape et d'épée (1858) se fit chez l'éditeur parisien Hetzel, découvreur de talent. Déjà le couple Féval-Pénoyée déplaçait ses meubles et trousseaux au 7 de la rue d'Orléans, sur la commune de Saint-Cloud.

Comment l'auteur de roman-feuilleton allait-il désormais s'investir pour déjouer le piège de l'enfermement populiste ?

 

Paul Féval, immortel auteur du Bossu, a dû se dire  qu'il ne se débarrasserait pas aisément de cette collante étiquette littéraire de spécialiste du roman de cape et d'épée comme le fut l'auteur des mousquetaires ou le sera à son tour Michel Zévaco. Même si le père de Lagardère  continuait de passer d'abord pour un feuilletoniste à la magie des atmosphères, à la plume pointue et au sens de l'embrouille, ce dernier s'investissait d'autre part dans des registres artistiques et littéraires moins communs. Féval se voulait être homme de lettres dans le sens noble du terme.

Cette même année 1857, dans la composition des Compagnons du silence, l'auteur ne semblait pas encore être en rupture immédiate avec la tradition, alors qu'il utilisait sciemment d'images nocturnes, d’ambiances souterraines reconnaissables aux feuilletons ou aux romans populaires. L'écrivain en vogue cédait, pût-on croire, à la mode des bandits conspirateurs en créant une société secrète italienne du 18e siècle.

À la suite des évènements décisifs de février 1848, l'auteur rennais était sagement redevenu conservateur. Son mariage avec Marie Pénoyée, une fervente catholique, en avait fait un coutumier du chemin de l'église tel un pratiquant fervent.

Mais la main a de ses automatismes. La technique d'écriture de l'époque était de tenir, dans les publications sérielles, le lecteur en haleine, par un art consommé d'installer l'intrigue (surtout lorsque le journal prolonge indéfiniment l'œuvre pour son succès commercial, et qui par conséquent devient vite un roman fleuve) sur un terreau nourricier saturé de social, à la morale toujours conventionnelle. La presse a ses publics concurrentiels. Les écrits de Féval trahissaient une illusion perdue, grossie à la loupe de la romance, sur la nature humaine. Il paraissait ne poursuivre aucun projet édifiant.

Qu'aurait donc lu le Ciel dans l'inconscient de l'enfant d'Ille-et Vilaine ? De la fragilité et de la fatigue ?

 

Au cours des deux années de 1858 et 1859, l'auteur breton ne fit publier que deux titres : La Fabrique de mariage (en huit volumes tout de même) et le Roi des gueux (en deux volumes seulement). Cette dernière était une œuvre épique qui fleurait bon les vives couleurs régionales de l'Espagne. Féval n'ignorait pas qu'il s'était attaché, depuis 1841, un lectorat privilégié. Il lui fallait en outre élargir sa cible en alternant ses sujets littéraires en élargissant ses domaines de compétences… à savoir l'histoire, le régionalisme ou le fantastique, pourquoi pas !

Sa sympathie pour Eugène Sue trouva son écho dans La Fille du juif errant, en 1860. Rappelons que Sue fut à l'origine de la première publication du Club des phoques (1841) et du succès littéraire actuel de Paul Féval.

 

Quelques douze ans avant que Carmilla paraisse sous l'idée morbide de Sheridan Le Fanu (qui inspira un certain Bram Stocker, pour laisser à la postérité un chef-d'œuvre du genre : Dracula, en 1897), le premier roman fantastique du romancier français prit le titre de Chevalier Ténèbre. Ce roman noir est l'un des quatre classiques histoires de vampires que composa la plume enchanteresse de Féval.

La famille s'agrandissait également. Marie attendait le petit Paul Auguste Jean Nicolas. À l'avenir, il faudrait préciser soit Féval père, soit Féval fils. Tout ce petit monde déménagea bientôt au 69 du boulevard Beaumarchais. C'est que Paul Féval est très riche maintenant. Il vit sans le souci du lendemain, lui pour qui la fortune finit par succéder à la misère déplorable d'une mansarde.

N'avait-il pas une revanche à prendre sur une certaine période de sa vie de jeune homme ?

 

C'était peut-être la période la plus faste de son existence. Homme, mari et père, le voici heureux, comblé, plein de verve, riant volontiers à gorge déployée. Il était en relation étroite et suivie avec la société des gens de lettres du moment. C'était un homme du monde d'une grande bienveillance, mais capable d'une grande fermeté, susceptible de s'empourprer à l'occasion, emporté brusquement par une vivacité extrême et contrastante.

 

Dans son cœur, Paul pensait chaleureusement à son défunt père, qui lui avait sans aucun doute rêvé longtemps une vie opulente d'honnête homme. Peu importait qu'il ne fût pas magistrat, Dieu lui pardonnerait bien cela.

Il y eut une pièce maîtresse mal connue à nos époques modernes, qui compta beaucoup en l'année 1862. Féval fit porter à la publication Jean Diable et fondait dans l'élan le magazine éponyme du roman policier ci-devant citée. Émile Gaboriau fut l'un des éditeurs de Jean-Diable. Étonnamment, le roman en volume fut signé d'un pseudonyme prudent en ces termes : Jean Diable. Peut-être l'auteur parisien n'était-il pas assuré, au départ, de l'écho reçu par son public lors de sa sortie dans les points de vente choisis. Il utilisa à ce propos différents noms d'emprunts au cours de sa carrière tels sir Francis Trolopp. Citons aussi Daniel Sol ou El Grunidor pour quelques documents espagnols. Les éditeurs anglais avaient anglicisé Jean Diable en un John Devil plus local.

Cette même année 1862, Féval, en bon père aimant, avait tenu la promesse qu'il avait faite à sa fille Joséphine, sous la forme publiée de Romans enfantins, composés à l'occasion de quatre récits courts, chacun d'eux dédié à une petite personne de l'entourage des Féval. Dans ce volume anniversaire, pour les sept ans de la jeune enfant, l'auteur et sa petite Joséphine posèrent pour une photographie qui les a immortalisés tous deux depuis.

 

Au début des années 1860-1870, la gloire souriait à Féval. Sa réputation le conduisait jusqu'à la résidence de Napoléon III, dans l'Oise, sur l'invite expresse de la gracieuse Impératrice Eugénie. Là, notre auteur y retrouvait parmi d'autres Ernest Capendu, Jacques Offenbach ou Prosper Mérimée pour se prêter, en assesseurs de la littérature, à des réunions artistiques et littéraires organisées par l'Impératrice des français.

 

Pourtant Féval n'ignorait nullement les nombreuses inégalités de son siècle et il n'hésitait pas à dénoncer sans cesse et sans aucune indulgence les usuriers, les boursicoteurs, les fortunes malodorantes ou la spéculation. C'étaient souvent d'ailleurs le fond tangible de ses romans ou pièces de théâtre. Il avait aussi une revanche à prendre sur les premières affaires immobilières qu'il plaida avec désespoir, en ces temps lointains où il fut avocat.

Homme de plume, il n'en fut pas moins intéressé par les sociétés secrètes, en vogue, malgré elles, jusqu'à la fin du 18e siècle. L'écrivain se consacra à suivre la piste de leurs origines sur les terres méridionales d'Italie, découvrant avec surprise comment ces confréries s'étaient répandues à travers toute l'Europe. Il  documenta ses œuvres de fiction de façon écrasante pour restituer cette présence manifeste au nombre diversement bas, bien qu'agissante, en toutes les sociétés urbaines de l'époque. Les ramifications de ces confréries invisibles, d'autre part, imprégnaient toutes les couches de la société. C'est ainsi que Paul Féval avait présenté les " Gentilshommes de la nuit " dans les Compagnons du silence, en 1857, à un public qui se fidélisa vite, avide de ces aventures utopiques.

Acceptant la présence du bacille infectieux de cette forme de littérature en ses veines, Féval porta dans d'autres de ses récits traduits, en espagnol ou en anglais, l'ambiance surréaliste et presque invraisemblable d'une grande fresque urbaine qui eut une étonnante influence sur l'imaginaire du roman d'aventure populaire. Telles furent la recherche et l'impression que laissèrent Les Habits noirs, éditées en 1863.

Féval, le père, très documenté, eut la riche idée de mettre de scène une vaste épopée de la Normandie Connection qui exista bel et bien au 19e siècle. Il le fit sous forme de publication sérielle feuilletonesque intitulée : Les Habits noirs ou la mafia au XIXe siècle. Les éditeurs parisiens Hachette entreprirent la diffusion sur le territoire des deux volumes de plus de 400 pages qui regroupaient le feuilleton. La forme actuelle de cette immense chronique mériterait de compter parmi les classiques du roman populaire. La galerie des personnages de tous les milieux sociaux est pittoresque, les situations sont rocambolesques et les rebondissements sont tragi-comiques, justifiant l'écriture de sept autres romans dans ladite série.

Ce fut une des œuvres majeures de Paul Féval, mais ce sera également l'un de ses derniers grands romans feuilletons traditionnels. À l'origine, le roman fut écrit pour faire concurrence au personnage imaginaire Rocambole (1859) de Pierre Alexis, vicomte de Ponson du Terrail (1829-1871). Son style et sa forme furent comparés par la suite au roman le Comte de Monté Cristo (1846) d'Alexandre Dumas.

L'invention littéraire de cette société du crime, aux codes verbaux particuliers remporta un énorme succès. Deux personnages aux caractéristiques fortement marqués se partagent l'avant de la scène de cette saga criminelle, ainsi le Colonel Bozzo-Corona (parrain d'un empire conçu sur le crime organisé) et son lieutenant Monsieur Lecoq, plus connu sous le nom de Toulousain l'Amitié. Ces deux hommes conduisent d'une main de maître une mafia du 19e siècle qui fit date dans les faits divers de 1850 à la fin du dix-neuvième siècle.

 

Les informations laissées par Gaboriau au sujet de la création du personnage de Lecoq étaient équivoques et contradictoires. Quoi qu'il en fût, Lecoq(c) pourrait avoir été conçu quelque part dans les années 1829 et 1834. Il s'agissait sans doute d'un personnage ayant défrayé la chronique en ces années-là. Un bagnard, pourquoi pas !

Émile Gaboriau (1832-1873) qui fut journaliste lors de son premier métier, puis secrétaire  "secondaire " de Paul Féval eut l'idée d'écrire également ses propres romans. Ce fut un précurseur et disciple du roman policier en tant que genre complet et appelé à une longue postérité. Balzac, Hugo, Vidocq et Dumas avaient, bien entendu, préparé le terrain avec leurs ouvrages publiées en feuilletons, dont les plus fameux furent Vidocq (1828), Vautrin (1840), et Jean Valjean (1866). Le personnage de Féval, monsieur Louis Lecoq fut inspiré par le Préfet de police, Eugène François Vidocq, forçat libéré, ayant bel et bien existé.

L'école française du policier conduite par Gaboriau créa le modèle du policier professionnel, vivant des situations mélodramatiques et une romance en arrière plan. Tous les « ingredientis » du feuilleton y furent assemblés pour assurer  un franc succès public et commercial aux écrits : personnages bien trempés, milieu social brûlant et coups de théâtre. L'affaire Lerouge (1866) et Monsieur Lecoq (1868) mériteraient d'être cités comme deux compositions magistrales qui parurent en feuilletons, puis en volumes reliés.

La réussite des Habits noirs incita son auteur  à écrire une suite, puis un troisième volet, puis quatre, cinq jusqu'à sept. La plus grande revendication  à la célébrité de Féval fut, sans aucun doute, d'être un des pères du roman policier moderne à sensation. Au sein du roman, l'enquête. Au cœur de l'enquêteur, la sagacité. Le père Dumas et Eugène Sue surpassaient leurs contemporains dans le genre feuilleton à suspense. Ils avaient introduit la théorie osée d'une idéologie de la sécurité face à la métropole où les marginaux apportaient la criminalité. Le capitalisme industriel était montré du doigt.

La légende des Habits noirs fut réécrite entre 1863 et 1875. Elle comporta finalement sept tableaux, dont le premier acte se composa déjà de deux méchants volumes. Féval ne s'était-il pas embarqué dans une vaste chronique historique criminelle susceptible de rivaliser la Comédie humaine de Balzac ? La question fut en tout cas posée par les critiques littéraires de l'époque.

 

Il y a des chefs-d’œuvre comme le Bossu qui éternisent des citations. Les Habits noirs laissèrent plusieurs phrases codées rattachées fortement au contexte de la narration. L'une d'elles : « Fera-t-il beau demain ? » dominait de sa banalité quelques autres, toutes aussi mystérieuses, dont les protagonistes de l'histoire utilisaient à volonté pour passer commande d'un assassinat, ou pour donner le mot de la fuite. Féval en fit fortune.

Et revoici la famille de l'auteur de renom dans de nouveaux préparatifs de déménagement qui, cette fois, les conduirent à occuper un logement au 80 de la rue Saint-Maur, en 1863.

Un feuilletoniste anglais, réputé pour ses contes de Noël, entrera bientôt dans le cercle d'amis intimes de Féval, pour y demeurer bien longtemps. Durant la prosaïque histoire romancée du crime organisé qui courut douze années de publications volumineuses, Féval n'en continuait pas moins à travailler sur d'autres titres, d'autres idées.

Les contes furent pour lui aussi à l'honneur (ex. : le Poisson d'or, 1863), les pièces de théâtre furent publiées et mises en scène (ex. : Jean qui rit, 1865), le mousquetaire devient le sujet d'autres récits d'aventures (ex. : la Reine Margaret et le mousquetaire, 1862), le fantastique renaissait sous la plume volubile de l'écrivain (les Drames de la mort, 1866). Restons plus longtemps sur ce conte fantastique qui est l'une des quatre aventures classiques de sang où vampires sont héroïques.

Dans son roman de 388 pages à la gothique, apparaît la figure charismatique de la comtesse Ghoul Addhema, et son suivant le strigoï Szandor, tous deux aux libidos sauvages. La comtesse Ghoul est la muse de sang de ce songe affreux. Femme mythique possédant l'immortalité, à la grâce incarnate, fée noire enchanteresse tribade et séductrice, au fronton du château de laquelle un blason portait cette sentence de mort :

 

« In Vita Mors, In Morte Vita »

 

Leurs aïeux avaient légué une formule héraldique qui disait : vivre et mourir pour celui ou celle qui sera privé(e) de sa vie et de sa mort, à la fois. Ce sont les drames de la mort. Une devise chère à ce genre humain qui courait au pourtour d'un écu rehaussé d'une couronne comtale, en lettres gothiques sable sur or. Le même emblème consanguin était brodé au coin d'un mouchoir, tout comme il apparaissait dans la sertissure d'un cachet de cire noir.

Ces nouvelles surnaturelles mériteraient d'être redécouvertes.

 

On le voit, à la loupe de ces publications, Paul Féval écrivait beaucoup. En 1866, un drôle de petit bouquin fut édité sous le titre déconcertant de : la Fabrique de crimes. De façon plutôt controversée, Féval lui-même se moquait de cette veine florissante du roman-feuilleton, au cours de ce bref récit parodique.

Pourquoi donc avoir écrit de la sorte ? L'auteur à la mode aurait-il senti en lui sourde une onde d'inspiration plus pure ? Il faut le croire. L'auteur devra reconnaître plus tard que ces chroniques du crime avaient exercé une néfaste influence sur les lecteurs et sur la société des hommes. Son amertume trahissait un sentiment à peine voilé d'échec.

Célébré comme il se devait de son vivant, Féval reprit en 1867 son métier de défenseur des justes causes en plaidant la défense de la propriété littéraire, à peine reconnue en ces temps reculés. D'ailleurs, s'il évoluait toujours dans les rues de la capitale, le dos un rien tassé et courbé en avant par les travaux pénible d'écriture qu'il s'imposait, l'homme était reconnu des gens dits d'en bas et connu de la haute société. Il avait tout de même été fait Chevalier de l'Ordre de la Légion d'Honneur.

C'était un gentil monsieur spirituel et rieur, au bel humour, plein d'esprit, alerte et gai. Il côtoyait le peintre et graphiste Gustave Doré, le compositeur de l'opéra Roméo et Juliette, Charles Gounod, l'auteur nantais De la Terre à la Lune (1863), Jules Verne. En résumé, Féval était un homme de son siècle. Il écrivait, outre des romans, des discours, de nombreux articles dans nombres de journaux. Il savait aussi préparer des conférences auxquelles il  participait activement. Il correspondait à l'envi avec un soin heureux pour les archives de bibliothèques.

 

Question : Qui a connu la famille Treguern ?

Réponse : Les protagonistes de ce folklorique roman noir restent à jamais gravés dans la mémoire collective des contes de Bretagne.

Questions : Mais qui est le vampire ? Qui l'a vu ? Qui a eu affaire à lui ?

   Les sergents ? Le Commandeur Malo ? L'homme noir ou l'homme sans bras ?

Le secret est dans la tombe.

 

L'année suivante, c'est-à-dire en 1868, il se voit chargé d'établir un rapport exhaustif sur l'avancée des Lettres sur le territoire national. Ce document de quelque 180 pages fut publié par l'Imprimerie impériale. Et déjà il redéménageait pour installer les siens (Paul et Marie eurent 8 enfants) au 88 de l'avenue des Ternes, pour reprendre peu de temps après un logement dans un haut immeuble, 129, rue Marcadet. À l'aube de l'année 1870 du calendrier Grégorien, de grands événements étaient en préparation.

Qu'allait faire Féval, père si accompli en son art, de son côté ? Sa spiritualité pouvait-elle l'émouvoir ?

 

Dans le courant des années 1860-1870, un genre littéraire tendait à s'imposer et à être en vogue : le roman d'aventures géographiques. Le roman d'aventures avait effectivement tendance à se dérouler dans une géographie exotique. L'espace exotique était avant tout un espace sauvage. L'idéologie colonialiste de l'époque nourrissait ces récits où pour le colon, le pays sauvage était une terre vierge, les peuples n'y avaient pas de lois, pas de morale, tout restait à faire. Le récit d'aventures géographiques racontait très souvent l'arrivée d'un homme blanc en territoire étranger. Le pays était alors présenté comme tout entier, sauvage et violent. Mais l'homme blanc véhiculait des valeurs justes. Dans les récits exotiques, le lecteur était et reste encore transporté dans des régions méconnues. L'imagination des lecteurs était emportée vers les paysages d'Afrique, les hauteurs de l'Himalaya, les mystères des pays andins ou vers des continents perdus. Voyage mystique sur vélin s'il en fût.

On peut s'accorder à prétendre que Féval vit son étoile ternir à partir de la fin des années 1860 lorsque ce genre nouveau recueillit un lectorat en attente de changements et d'originalités.

Le règne de l'empereur Napoléon III arrivait à son terme également. Une fin de carrière qui va basculer dans l'humiliation et la déportation. La politique extérieure du Second empire connaissait ses coups rudes et meurtrissants. Une guerre prématurée déclarée en juillet 1870, par la hantise d'être envahi, contre l'Allemagne voisine de Bismarck se solda par un échec coûteux le 02 septembre 1870, à Sedan, dans les Ardennes françaises. L'Empereur fut fait prisonnier et déporté en Allemagne. La révolution du 04 septembre 1870 marqua de façon définitive la chute du Second empire. Gambetta, Favre et Ferry, députés républicains, proclamèrent la IIIe République. Mais l'Assemblée nationale était à forte tendance monarchiste.

Paul Féval s'exila prudemment à Rennes. Il réussit de la sorte à échapper à la Commune de Paris, au printemps 1871 qui fut réprimée, sous les ordres de Thiers, dans l'horreur et le sang lors de la semaine sanglante.

Les choses étaient allées très vite : Adolphe Thiers était devenu le chef désigné du pouvoir exécutif en février, puis dès août, le premier président de la IIIe République.

 

En attendant que tout cela passe, Féval s'occupait en allant pêcher à la ligne, en visitant sa famille, ou en se rendant de temps à autre au Mont-Saint-Michel. Le rennais connaissant le responsable de l'ancien établissement pénitentiaire"  Maison de force " du Mont qu'avait été l'abbaye jusqu'en 1863. En 1870, le Mont Saint-Michel avait cessé d'être une prison et était devenu un monument historique national. En 1874, il sera classé monument historique après les travaux de restauration de 1872 dus à l'architecte Corroyer. Mais surtout le fils du pays écrivait.

Sans relâche, mais avec moins d'entrain. Il y eut moins de publications de son écriture à cette époque précise. Quelque évènement mûrissait en lui. Il vivait avec difficultés les bouleversements politiques, sociaux qui firent corps avec la défaite de 1870. Cependant, sa série fleuve occupait toujours les colonnes des journaux à feuilletons. D'autre part, le théâtre fut à l'honneur, à deux reprises. La première fois, il publia une causerie sur l'École des femmes, qu'il intitula Théâtre-femme (1873). La seconde, le Théâtre moral fut un autre sujet de discussion autour de la société du théâtre (1874).

Le destin de Féval… non sa vie, sa destinée ultime plutôt, était à l'œuvre en lui. Coup sur coup, il subit deux échecs à sa possible accession à l'Académie française. Certes, il ne fut pas élu, mais en retour il occupa, pas moins de cinq fois, le siège brigué de président de la Société des Gens de Lettres. La Société des Auteurs Dramatiques, quant à elle, l'accueillit à présider à trois reprises ses séances. Paul Féval devrait avoir tout pour être heureux. Il réussit même à capitaliser une jolie fortune. Seule ombre au tableau si ce n'était que sa popularité décroissait sensiblement. L'évasion était ailleurs pour les lecteurs.

Le monde avait tressaillit et les peuples n'étaient déjà plus les mêmes. Rien ne sera jamais plus pareil.

 

Encore moins l'Empire ottoman. Le sultanat ottoman exerçait depuis le début du 13e siècle une autorité unique incontestée sur l'ensemble des terres et des sociétés qui formaient la mosaïque de son potentat. Au 19e siècle, le lent et fatal déclin de l'Empire contraignit le congrès de Paris de le placer sous la tutelle des états européens industrialisés. Les territoires de l'Empire turc ottoman prenaient, chacun leur tour, leur indépendance et leur autonomie. L'Empire perdait par la même ses sources de revenus et de magnificence. Ses engagements d'alors devinrent les dettes qui s'accrurent irréversiblement. Les occidentaux avides y virent un moyen facile de faire intrusion dans la gestion de l'entité moribonde. Sur une période assez longue, investissements divers et spéculations fréquentes des classes aisées et nanties allèrent bon train. Jusqu'au jour où…

Féval fut de ces malheureux pour qui le capital était devenu une sorte de jeu (de société). Ces opérations hasardeuses provoquèrent finalement une débâcle financière qui n'était pas sans lui rappeler le sort que sa mère, ses frères et ses sœurs connurent au jour du décès de leur père. La famille Féval, la sienne aujourd'hui, se retrouvait subitement dans une situation désespérée. Paul Féval se ressouvint vraisemblablement de ses onze ans. Le coup porté fut accusé durement.

 

Nous sommes en 1875 maintenant. Les écrits du père spirituel du chevalier " bossu " Henri de Lagardère n'avaient jamais été en conformité morale avec les enseignements de l'Église. À 59 ans, Féval s'inscrivit dans une entreprise de reconversion aux premières références inculquées dans sa prime jeunesse. Son épouse, qui n'avait que quarante années à peine, telle l'Impératrice Eugénie, eut une influence avérée sur l'époux dépossédé durant cette période charnière de leur vie. Ardente catholique, mère de huit enfants, elle traduisit les épreuves de l'auteur pour des signes d'en Haut, qu'il n'était pas bon d'ignorer.

Parce que l'homme avait encore des choses à dire, parce que l'écrivain maniait la plume avec dextérité, parce qu'il lui fallait sortir ses chers et tendres de la gêne, Féval fit publier les derniers de ses manuscrits.

L'ouvrage remarquable, presque audacieux, qui fut mis en vente cette année-là portait le titre provocateur de La ville-vampire. C'était le quatrième et dernier roman classique de ses œuvres fantastiques. Ce récit de 388 pages fut, semble-t-il, une imitation satirique de la littérature gothique qui gravit en popularité vers 1790. Les grands initiateurs britanniques en furent Ann Ward Radcliffe, Horace Walpole, Matthew Gregory Lewis.

 

Les courts récits bretons de notre auteur furent publiés de temps en temps, presque avec une sage régularité. Ses contes furent bien présents dans les premières années de sa vie de jeune écrivain. Ils révélaient l'âme spirituelle secrète de l'enfant d'Ille-et-Vilaine. Un conte oral ou écrit conduit naturellement à une moralité affichée et bien établie dans l'esprit des générations, mais plus encore à une possible introspection de l'auditeur ou du lecteur. Exploitant la faculté humaine à produire de l'imaginaire (animation domestique de l'image), le récit nous invite à cheminer dans les paysages intérieurs de notre être, parmi les capacités virtuelles en suspension ou les vécus réels emmagasinés çà et là afin d'en retirer une possible conclusion.

Peut-on ou non agir de la sorte sans risque ?

 

Pour Féval, la religiosité de son enfance aurait été une trame de lecture intimiste, aux récits bien différents. Un investissement autre. Mais sur cette route toute belle tracée, il y eut des bornes de lecture tels Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau, une impressionnante littérature dramaturgique, Byron, Shakespeare, Corneille, Molière, les romans de colportages (romans de mœurs, amours galants). Seul, Malebranche lui donna accès à son école métaphysique, traitant de morale et de l'ordre naturel et de l'ordre de la Grâce.

 

La première aventure de Corentin Quimper, en 1876, fut un de ces courts récits bretons destinés aux enfants et aux parents. Par l'usage de son troisième prénom, Paul Henri Corentin Féval transmit à ce conte un peu de lui-même. Pendant l'hiver de 1876 et 1877, la belle étoile venait briller et dévoiler la première manifestation rédigée et publiée de la conversion de Paul Féval. L'écrivain s'était penché sur la vie du bienheureux Yves Héleri, un saint breton béatifié, qui sut, sa

vie durant, vivre dans l'humilité et la charité.

 

L'un des plus grands romanciers populaires du XXe siècle, s'illustrait à découvert dans un registre nouveau pour lui et déroutant pour son public. Il dût y avoir un déclic. L'ordre naturel avait échappé à Féval, l'ordre de la grâce lui revenait. Après avoir perdu sa fortune dans un scandale financier, Paul Féval se convertissait haut et fort à la religion judéo-chrétienne. Il abandonnait donc là l'écriture des romans noirs et romans policiers, laissant probablement inachevé le roman fleuve des Habits noirs.

Dès lors, il s'engagea résolument sur des écrits à vocation pieuse dont des nouvelles historiques ou des biographies régionalistes. Il n'était plus déprimé, il se relevait hardiment. Féval était convaincu qu'il pouvait réécrire ses anciens manuscrits publiés afin d'en extraire ce qui les rendait impies. Ces ouvrages pleins de meurtres, de libertinages suspects, d'horreurs diverses n'étaient plus dignes de lui. Il voulait ou les détruire ou les racheter pour les recomposer après censure afin qu'ils puissent être lus sans danger par des enfants.

L'un de ses éditeurs n'accepta pas le risque de perdre l'originalité première des œuvres de l'auteur. Un procès d'opinion sur la liberté littéraire s'ensuivit contre la maison d'édition parisienne récalcitrante, E. Dentu. Féval perdit le procès, mais pas sa force de travail, ni son talent d'homme de plume.

 

Seule ombre au tableau, dès 1876, Féval fut délaissé rapidement par les lecteurs qui l'avaient suivi depuis les années 1840. Qu'importait, il se découvrit de fait un nouveau public qui fut fidèle à ses écrits inédits voués à inspirer la piété naturelle et la vertu, en référence à Saint-Yves justement. Le vieil homme avait besoin d'exulter une joie de vivre nouvelle. De 1877 à 1882, la Société Générale de librairie catholique Victor Palmé, sise à Paris, se porta cliente pour les futures œuvres édifiantes que Féval proposerait. Dans le même temps, elle accomplit une réédition de trente-six des titres que l'écrivain expiateur avait revues et corrigées avec le plus grand des soins. Paul Féval proposa à l'édition quantité d'ouvrages religieux tout en révisant ses travaux d'écriture de la première heure.

 

Il passa vertueusement les dernières années de sa vie à expurger de son œuvre compilée tout ce qui pouvait rappeler son passé de libre penseur. Il s'adonna ensuite de façon très inégale à tous les genres possibles : dramatique par exemple avec Bellerose, en 1877, les écrits biographiques et les portraits régionalistes comme Pierre Olivaint, en 1878. Autobiographe avant l'heure, il laissa un manuscrit qui décrivait de manière frappante l'expérience qui le fit revenir à la foi, en rencontrant les Jésuites !, publié en 1877, aux éditions V. Palmé. Encore que, en cet aspect de sa vie concrète, il ne faut pas négliger de souligner l'insistance de sa dévotion exposée au milieu de sa ruine financière. P. Féval rédigea alors les quatre étapes d'une conversion dont les volumes furent publiés en France, en Belgique et en Suisse.

Cependant, se faisant, son labeur et un second revers financier qu'il eut à souffrir à nouveau eurent raison de sa santé. Sa popularité lui revenait, hors du circuit du vulgaire, via le chemin de la parole maîtrisée. Mais, en 1880, la sécurité de sa famille fut rétablie. Il était de nouveau à la tête d'une assez considérable fortune. Seulement, on n'a pas toujours le voisinage que l'on mériterait. Un mauvais homme qui logeait au pas de la porte des Févals pressa, un jour, l'auteur converti à lui confier ses économies (si durement acquises), dans l'objectif déclaré de revaloriser le patrimoine. Les conséquences du surmenage abîmaient lentement la santé physique et mentale de Paul.

Se sentait-il menacé en son tréfonds ? Sûrement se sentait-il affaibli et incertain des lendemains. Il eut la faiblesse de faire confiance à ce voisin matois. L'autre disparut avec le capital.

De cette seconde faillite, Paul Féval subit un authentique dépouillement. Voyons ce que nous apprend Marie-Thérèse Pouillas en la matière : « Ses amis écrivains s'émurent de sa situation. Un comité d'aide […] recueille des souscriptions ». Pour un homme âgé de soixante-quatre ans, ce fut un coup de grâce.

Féval vivait mal, la paralysie le gagnait. L'année d'après, en 1881, Victor Palmé ne produisit que trois titres signés de la plume de l'auteur parisien, né à Rennes.

 

Quelque trois années plus tard, Marie Féval, née Pénoyée s'éteignit, en 1884. Elle avait à peine cinquante ans. La santé de Paul se détériora davantage et de manière irréversible.

Il vivra les dernières années de son existence, n'ayant pour compagnie que la maladie. Bien évidemment, il était très entouré de ses enfants Paul, Joséphine, Marthe et les autres. Bien entendu, Alphonse Daudet, Charles Gounod, Hector Malot, Victorien Sardou, l'académicien Édmond About passèrent s'asseoir à son chevet, le réconfortèrent, l'aimèrent profondément.

La Société des Gens de Lettres, de la Société du même nom, à laquelle le vieil homme avait maintes fois été le président, proposèrent à ses enfants et parents de le confier aux frères Saint-Jean de Dieu. L'ami d'Eugène Sue et de Dumas père était atteint de paralysie envahissante, souffrant de graves crises d'hémiplégie.

Le monastère parisien, sis au 19 rue de la Oudinot, lui servit de refuge pour apaiser ses derniers jours d'agonie.

 

C'est la fin de l'hiver, nous sommes le mardi 8 mars 1887. Quelques années après ces terribles souffrances qui le laissèrent aliéné, Paul Henri Corentin Féval, dit Féval père, s'endormit enfin pour rejoindre sa douce Marie. Bien qu'il fût adoré pendant longtemps, il mourut dans la ruine.

 

La cérémonie religieuse des funérailles se déroula en la chapelle de l'église Saint-François Xavier. La dépouille  mortelle de Paul Féval ne fut pas rapatriée sur Rennes. Le vieil corps fatigué fut posé en terre au cimetière de Montparnasse, dans la capitale.

 

Le goût de l'écriture toucha Paul Auguste Jean Nicolas Féval (1860-1933), dit Féval fils. L'œuvre littéraire du père qui perdura quarante bonnes années, trouvait sa continuité légitime dans la plume ouvrière et hardie du fils, telle une « tradition » nouvellement acquise. Le flambeau changeait de mains. Le fils devint, au fil du temps, réputé pour ses nouvelles, ses romans et ses pièces d'opérette et ses dramatiques. De facture plus modeste, les écrits du fils suivirent néanmoins les fils des trames déjà dévidés avant lui par son géniteur et par Alexandre Dumas père. D'Artagnan rencontra Cyrano. Le chevalier Lagardère eut un fils, en la personne du sergent Belle-épée. Le filon de l'histoire semblait avoir été ouvert pour ne plus se tarir. Ainsi donc, fin du 19e siècle et début du 20e, Paul Féval fils créa de toutes pièces (sous de nombreux titres) une famille généalogique à Henri de Lagardère, dans une suite extravagantes d'aventures nouvelles du " petit parisien " : Les Jumeaux de Nevers (1895, avec A. D'Orsay) ; Les Chevauchées de Lagardère (1909) ; Mademoiselle de Lagardère (1929) ; La petite fille du Bossu (1931), puis La Jeunesse du Bossu (1934).

Les mystères urbains anglais trouvèrent un héritier qui n'inventait certes pas, mais qui prolongea un temps encore l'illusion.

Parmi ces autres travaux d'écriture : Nouvelles (1890) ; Maria Laura (1891) ; Chantepie (1896) ; Aventurières (roman galant sage) ; Mam'zelle Flamberge (1911) trouvèrent un public de lecteurs assidus.

Le fantastique renaît des cendres Féval en la personne de L'Homme tigre (1929) et sa suite Londres en folie (1930). Ces deux tomaisons furent édités sous l'intitulé générique de Félifax.

 

Les manuscrits de Féval père (ses textes originaux, sa correspondance, des écrits en tous genres, ses manuscrits corrigés (après sa reconversion)), les manuscrits de Féval fils qui exploita la veine des personnages de son devancier ont été confié à la mort de Féval fils, en 1933, à une bibliothèque. Ce fonds considérable de 719 volumes, 89 manuscrits et quelque 200 lettres ont été légué à la Bibliothèque Municipale de Rennes, en Ille-et-Vilaine.

 

On doit à Marie-Thérèse Pouillas (conservatrice générale d'État), un portrait historique, social et littéraire de Paul Féval père. Le document a été publié aux Presses de Média Graphie, à Rennes, en 1987.

 

Pour lire une étude sur Paul Féval :

 

Galvan, Jean-Pierre, Paul Féval, Parcours d’une œuvre, Encrage éditeurs, Paris (2000).

Cressard, Pierre, Les maisons inspirées, éditions Plihon, Rennes (1957).

Baudry, Jules, La jeunesse de Paul à Rennes, éditions Plihon, Rennes (1938).

Descaves, Lucien, " Un aïeul du roman-feuilleton ", in Les Nouvelles Littéraires (12 mai 1934).

Delaigue, Albert, Un homme de lettres : Paul Féval, éditions Plon, Paris (1890).

Chincholle, Charles, Femmes et Rois, éditions Flammarion, Paris (1886).

Eugène de Mirecourt, Paul Féval, éditions Havard, Paris (1856).

 

Pour lire Paul Féval père, rendez-vous sur les sites suivants :

 

http:// lebossu.free.fr

http://www.ebooksgratuits.com

http://www.gallica.bnf.fr

http://www.gutenberg.net

http://www.mauvaisgenres.com/jean_pierre_galvan.htm

http://www.members.aol.com/cjolas

http://www.pasadizo.com/libros.jhtml?ext=2&cod=77

http://www.roman-daventures.info/auteurs/France/feval/feval.htm

http://www.roman-daventures.info/auteurs/France/feval-fils/feval-fils.htm

http://www.terresdecrivains.com/article.php3?id_article=65

 

Pour accéder au fonds Féval à distance :

http://www.bm-rennes.fr/info/publications/bibliotheque_historique/index4.htm

 

Adresse de la Bibliothèque municipale classée de Rennes :

1, rue de la Borderie 35042 Rennes France  

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